Les baux commerciaux sont réglementés en Espagne par la loi du 24 novembre 1994 (« Ley 29/1994, de 24 de noviembre, de Arrendamientos Urbanos¹) et ses réformes successives (ci-après, la « L.A.U. »).

La L.A.U. prévoit qu’en dehors des dispositions impératives qu’elle contient, les baux commerciaux sont régis par (i) la volonté des parties, (ii) à défaut, par la L.A.U. et, (iii) de façon supplétive, par le Code civil espagnol².

Toutefois, et contrairement au Code de Commerce français, la L.A.U. contient peu de dispositions impératives et laisse, par conséquent, aux parties une grande liberté pour définir elles-mêmes les termes de leurs contrats de bail.

La négociation joue de ce fait un rôle déterminant, même s’il est essentiel de connaitre les pratiques et usages du marché pour savoir d’entrée les points sur lesquels on peut insister et ceux sur lesquels l’autre partie sera moins flexible.

C’est notamment le cas concernant la durée du bail : les parties sont totalement libres de la fixer, ainsi que ses périodes de prorogations, alors qu’en France la durée du contrat est de 9 ans au minimum³.

Dans la pratique, les baux commerciaux en Espagne sont fréquemment de longue durée (10 ans ou plus) avec une obligation pour le bailleur de respecter cette durée, tandis que le preneur bénéficie en général d’une durée d’exécution obligatoire plus courte (de 1 à 3 ans en général).

Les seules dispositions impératives de la L.A.U. auxquelles les parties doivent se soumettre en Espagne portent sur le régime juridique du dépôt de garantie et sur la formalisation du bail.

Le versement d’un dépôt de garantie par le preneur est obligatoire en Espagne. La garantie doit correspondre à l’équivalent du montant de 2 mensualités du loyer et doit être déposée auprès de l’organisme régional habilité à cet effet. En effet, les rendements générés par ces fonds constituent en Espagne une importante source de financement pour les politiques régionales de logement sociaux (équivalent des H.L.M. français).

En ce qui concerne la formalisation du bail, il n’existe pas d’obligation d’écrit sauf si l’une des parties l’exige. Cependant, notre conseil est de mettre toujours les dispositions du bail par écrit pour éviter des problèmes de preuve en cas de litige entre les parties.

Cette grande liberté contractuelle accordée par la loi espagnole permet aux parties de négocier de très nombreux aspects du bail, notamment pour mieux adapter celui-ci à l’activité du preneur.

Ainsi, les parties peuvent librement fixer le montant du loyer et ses actualisations. Il est fréquent en Espagne que les parties prévoient une actualisation annuelle du loyer fonction de l’indice du prix à la consommation (« Indice Nacional de Precios al Consumo »), souvent convenue à la hausse au bénéfice du bailleur. Le montant initial du loyer est librement fixé entre les parties et ses révisions ou sa détermination en cas de renouvellement du bail ne sont, contrairement à la France, pas encadrées.

Par ailleurs, les parties sont également libres de se répartir les charges et les travaux à réaliser sur le local commercial. Dans la pratique, les baux prévoient souvent que les charges liées à l’activité du preneur et à la propriété du local soient assumées par celui-ci. Il existe toutefois, comme en France, des baux « triple net » tels que fréquemment exigés par les investisseurs professionnels.

À l’expiration du bail, lorsque le bailleur décide de ne pas renouveler le contrat alors que le preneur désirerait rester dans les lieux, le versement d’une indemnité au profit du preneur (comme en France) est très rare. Cette possibilité est prévue de manière facultative par la L.A.U. dès lors qu’un nouveau preneur ou le propre bailleur envisage d’exercer dans le local une activité profitant de la clientèle développée par l’ancien preneur, mais elle est en général écartée dans l’immense majorité des cas, les bailleurs la rejetant de manière quasi systématique.

Notre pratique consiste à accompagner des entreprises tout au long des négociations dans la rédaction de leur contrat de bail, mais aussi dans la rédaction d’avenants en cours de bail en cas de volonté de modification des dispositions du contrat afin de tenir compte du changement de certaines circonstances.

Elle inclut également les contentieux qui peuvent naître entre bailleurs et preneurs à propos du non-respect des obligations des baux, de l’interprétation divergente d’une clause mal rédigée ou d’une situation non prévue dans le contrat. Il est utile de savoir que l’expulsion d’un locataire qui n’exécute pas ses obligations est une procédure plus facile, moins onéreuse et plus rapide qu’en France.

En conséquence, les baux commerciaux en Espagne peuvent, du fait du rôle fondamental laissé à la liberté des parties, donner lieu à du « sur-mesure », s’ils sont bien négociés. Il est donc conseillé de faire appel à un spécialiste en droit immobilier afin de tirer profit de l’étendue de cette liberté contractuelle.

Marina Nicolas
m.nicolas@mbavocats.eu

M&B Avocats


¹Les baux commerciaux en Espagne sont inclus dans la catégorie des « baux à usage différent de celui d’habitation ». Cette catégorie comprend notamment les baux à usage professionnel, c’est à dire ceux conclus pour exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, professionnelle, récréative, d’assistance, culturelle ou d’enseignement. Ils incluent donc également la location de bureaux.
² Le cas échéant, par les lois de la région où se situe le local.
³ Article L145-4 du Code de commerce.
 Articles 36 et 37.