Une nouvelle publicité du loueur est apparue dans la presse cette semaine avec le slogan : « CHER M. HOLLANDE, ÇA Y EST, PLUS BESOIN DE CASQUE POUR SORTIR AVEC VOTRE JULIE. LOUEZ VOTRE MINI CABRIOLET SUR SIXT.FR ».

SIXT n’en est pas à son coup d’essai puisque déjà en 2014, quelques jours après la parution du magazine Closer dévoilant la relation entre le Président et l’actrice, le loueur avait lancé une nouvelle campagne sous le titre : « M. LE PRESIDENT, LA PROCHAINE FOIS, EVITEZ LE SCOOTER. SIXT LOUE DES VOITURES AVEC VITRES TEINTEES ».

En réalité, SIXT s’est fait une spécialité de ce type de publicités axées sur l’actualité politique. On se souviendra notamment de ses campagnes de 2011 autour de la relation entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni (« FAITES COMME MADAME BRUNI. OPTEZ POUR UN PETIT MODELE FRANÇAIS ») et de l’affaire Dominique Strauss-Kahn (« CHER DSK, A VOTRE ARRIVEE A L’AEROPORT LOUEZ  UNE VOITURE CHEZ SIXT », slogan associé à une photo de jeunes hôtesses de la marque SIXT et plein de sous-entendus).

Au-delà des critiques positives ou négatives qui peuvent être faites à l’égard de telles publicités d’un point de vue moral ou marketing, nous pouvons nous interroger sur leur licéité. A notre connaissance, SIXT n’a jamais été poursuivi par les personnes visées. Pourtant, ces dernières disposeraient à l’évidence d’arguments pour s’opposer à ces publicités fondés notamment sur le droit au respect de la vie privée, le droit sur le nom et le droit à l’image.

Le premier de ces droits figure à l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Il résulte d’une loi du 17 juillet 1970 dont l’objectif était de réguler le développement d’une certaine presse à scandale. Ce texte ne définit pas la notion même de vie privée, ce qui rend souvent compliquée la tâche des tribunaux. Sans grand risque, nous pouvons toutefois avancer que les relations sentimentales relèvent de la vie privée. Et c’est bien aux relations entre l’ancien Président et l’actrice auxquelles fait référence SIXT dans sa publicité. On oppose souvent à ce droit au respect de la vie privée le caractère public de la vie des célébrités, qu’il s’agisse d’artistes, de sportifs ou de personnages politiques. Certes,  la jurisprudence en la matière n’est pas totalement homogène ; mais une femme ou un homme public ne perd pas nécessairement tout droit au respect de ce qui relève de la sphère privée et ce, alors même que certains aspects de sa vie personnelle, tels que sa vie sentimentale, sont connus de tous.

Parallèlement au droit au respect de la vie privée, les tribunaux reconnaissent à chacun un droit sur son nom et un droit à son image. Ce sont bien évidemment là encore les célébrités qui sont généralement concernées lorsque leur image est exploitée à des fins commerciales sans leur autorisation. Ainsi, en 2008, Carla Bruni et Nicolas Sarkozy avaient obtenu la condamnation de RYANAIR qui avait utilisé une photographie du couple présidentiel.

Ces droits ne sont pas absolus et se heurtent à certaines limites et notamment au grand principe de la liberté d’expression et d’information. La presse ne manque pas d’invoquer ce dernier lorsqu’il peut lui être reproché l’utilisation du nom et de l’image d’une personnalité et l’évocation de sa vie privée. La liberté d’expression et d’information prime sans aucun doute lorsqu’il s’agit d’évoquer un fait d’actualité ou de contribuer à un débat d’intérêt général. Tel est généralement le cas de la presse d’information. Les contentieux en la matière concernent d’ailleurs plus la presse people dont les condamnations sont fréquentes.

Le cas des publicités est différent de celui de la presse. La liberté d’expression et d’information ne peut en principe justifier une publicité utilisant la vie privée, le nom et l’image d’une personne sans son autorisation. La publicité n’a pas vocation à informer ; elle vise à promouvoir. Et lorsqu’à cette fin elle utilise les attributs de la personnalité d’autrui, il s’agit d’une exploitation purement mercantile à laquelle la personne concernée doit pouvoir s’opposer. Telle est d’ailleurs bien la solution qui a été retenue dans l’affaire opposant le Président Sarkozy et Carla Bruni à RYANAIR.

Force est donc de constater que la licéité de la dernière publicité SIXT, comme ses précédentes, est pour le moins contestable. Pourtant, les personnes politiques visées n’ont semble-t-il jusqu’alors pas réagi.

Rien ne dit toutefois que SIXT continuera à bénéficier de la même clémence de ses cibles préférées et nous conclurons par deux interrogations : Julie Gayet et François Hollande observeront-il la même attitude aujourd’hui compte tenu du nouveau statut de ce dernier ? Et, en cette période propice à la transgression, la société SIXT osera-t-elle tester l’humour du nouveau couple présidentiel ? L’avenir nous le dira.

Franck Berthault

M&B Avocats