La Directive européenne « Corporate Sustainability Due Diligence Directive » (CS3D) adoptée le 24 avril 2024, impose un devoir de vigilance pour les grandes entreprises européennes (à savoir celles avec plus de 1000 salariés et au moins 450 millions d’euros de chiffre d’affaires) et non européennes (à savoir celles avec un chiffre d’affaires réalisé dans l’Union européenne d’au moins 450 millions d’euros). Les entreprises concernées disposent d’un délai pour se mettre en conformité qui est progressif en fonction de leur taille (à partir de 2027 pour les plus grandes et jusqu’en 2029 pour le reste).

Parmi les mesures principales, le législateur européen a prévu :

  • l’identification des incidences négatives, réelles ou potentielles, en matière sociale ou environnementale et la mise en œuvre de mesures correctives ;
  • des procédures d’alerte tout au long de la chaîne de valeur ;
  • un devoir d’information et de vigilance renforcé quant au respect de la directive ;
  • ainsi qu’un code de bonne conduite à suivre.

Les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations risquent, non seulement des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 5% de leur chiffre d’affaires, mais également d’engager leur responsabilité civile en cas de dommage causé à une personne physique ou morale.

Si la directive ne vise pas directement les PME, son impact à leur égard n’est pas négligeable étant donné que les PME constituent d‘importants partenaires commerciaux dans la chaîne de valeur en tant que fournisseurs de biens ou de services. Les PME seront donc confrontées à des obligations indirectes puisque les grandes entreprises concernées par ce devoir de vigilance imposeront à leurs fournisseurs de se conformer à certaines normes afin de ne pas se mettre elles-mêmes en infraction avec les exigences imposées par la directive. Cela entraînera donc pour les PME un coût important ainsi que la nécessaire mise en place de nouvelles ressources pour répondre aux exigences européennes.

A titre d’exemple, la directive prévoit des clauses-types à insérer dans les contrats conclus entre les grandes entreprises et leurs fournisseurs aux termes desquelles les partenaires commerciaux s’engagent à respecter le code de bonne conduite défini par les grandes entreprises. Ces clauses sont susceptibles d’affecter les PME en ce qu’elles leur transfèrent une partie de la responsabilité des grandes entreprises en cas de non-respect du devoir de vigilance.

De même, la directive prévoit la possibilité pour les grandes entreprises de suspendre temporairement ou de résilier leurs relations commerciales avec les PME en cas d’incidences négatives qu’il n’est pas possible de palier.

C’est la raison pour laquelle le législateur européen a inséré des dispositions visant à protéger les PME en mettant à la charge, non seulement des grandes entreprises mais également des États membres, des obligations d’accompagnement et d’assistance.

Les grandes entreprises devront apporter leur soutien afin de permettre aux PME de renforcer leurs capacités de formation et de mise à niveau, ainsi qu’un support financier « ciblé et proportionné » si le respect des obligations compromet la viabilité de la PME. Il peut s’agir par exemple de prêts à taux d’intérêt réduit, d’un financement direct ou de garanties.

Les États membres quant à eux devront mettre en place des sites web ou des portails dédiés donnant accès à des orientations et recommandations sur les obligations d’information, les clauses-types et les lignes directrices. La directive prévoit aussi des aides économiques allouées par les États membres aux PME.

L’objectif de la directive est d’assurer un développement responsable de l’activité commerciale en protégeant les droits de l’homme et le droit de l’environnement. Cet objectif sera toutefois difficilement atteignable sans une étroite collaboration entre les grandes entreprises et leurs partenaires commerciaux ce qui implique un accompagnement juridique et financier adapté.

On rappellera que la directive européenne s’inscrit dans le prolongement de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017¹, adoptée par le législateur français, qui met en place des obligations de vigilance pesant sur les très grandes sociétés par actions. La mise en œuvre de cette loi a déjà montré l’impact du devoir de vigilance sur les PME. Il s’est avéré que les besoins des sociétés mères ou donneuses d’ordres sont souvent au-delà de ce que les PME peuvent offrir et l’accompagnement est souvent très faible voire inexistant. Il existe donc un risque pour les PME européennes de se voir écarter de la chaîne de valeur par les grandes entreprises qui se tourneront plutôt vers des PME étrangères qui pourront répondre plus facilement, d’un point de vue financier – notamment par des coûts de production et de main d’œuvre moins élevés – aux exigences des grandes entreprises.

Il s’agit sans doute d’une évolution majeure pour les grandes entreprises et pour les PME opérant sur le marché européen, notamment celles qui n’entraient pas dans le champ d’application de la loi du 27 mars 2017.

Les États membres disposent d’un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur pour transposer la directive dans leur droit. Notre cabinet se tient prêt à accompagner aussi bien les grandes entreprises que les PME opérant sur le marché européen.

Sofia Castillo 

M&B Avocats


¹ Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre