En France, le principe général est que lorsqu’un locataire fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation), celle-ci n’entraîne pas en elle-même la résiliation du bail commercial. Cependant, le bailleur peut, sous certaines conditions, solliciter la résiliation du bail en raison d’un défaut de paiement du loyer.

Les règles de droit commun relatives au paiement des loyers ne s’appliquent pas lors d’une procédure collective du locataire, le principe étant un principe d’interdiction des paiements pendant la période d’observation[1]. Les loyers antérieurs au jugement prononçant l’ouverture de la procédure collective doivent en effet être déclarés au passif de la société [locataire].

S’agissant des loyers postérieurs au jugement d’ouverture, le bailleur dispose de deux options pour solliciter la résiliation du bail :

  • Invoquer, sur le fondement du droit commun des baux commerciaux, l’application de la clause résolutoire pour défaut de paiement dès le 1er loyer impayé. Dans ce cas, le bailleur est tenu de faire délivrer au locataire un commandement de payer. A défaut de paiement dans le mois de la délivrance dudit commandement, le bailleur pourra saisir la juridiction compétente pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire. Le Tribunal a toutefois la faculté d’accorder des délais de paiement au locataire.
  • Invoquer les règles spéciales du droit des procédures collectives, plus précisément l’article L. 622-14 du Code de commerce. Le bailleur dispose d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture pour solliciter du juge commissaire la résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture. Dans ce cas, le bailleur n’est pas tenu de faire délivrer un commandement de payer au locataire. Cependant si le paiement des loyers postérieurs intervient avant l’expiration de ce délai de trois mois, il n’y a pas lieu à résiliation[2].

C’est sur cette seconde option que la Cour de cassation est venue renforcer la protection du locataire et donc durcir les conditions à remplir par le bailleur pour voire résilier le bail commercial.

Par un arrêt récent en date du 12 juin 2024, s’agissant d’un locataire en redressement judiciaire, la Cour de cassation semble instaurer une nouvelle condition imposant désormais au juge commissaire de « s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture demeurent impayés. »[3]

En d’autres termes, le locataire dispose d’un délai supplémentaire pour remédier aux impayés de loyers dont le paiement pourra intervenir au plus tard au jour où le juge commissaire rendra sa décision, ce qui complique clairement la situation du bailleur.

 

Notre cabinet est à la disposition des bailleurs et des locataires qui se trouvent dans une situation similaire à celle exposée précédemment afin de les accompagner et les assister au mieux de leurs intérêts.

 

Sofia Castillo


[1] Période comprise entre le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’encontre du locataire et l’adoption du plan pendant laquelle un bilan de l’actif et du passif est effectué

[2] Article L. 622-14 du Code de commerce

[3] Cass. Com., 12 juin 2024, n° 22-24177