Hormis certains cas prévus par la loi, l’entretien préalable au licenciement disciplinaire n’est pas obligatoire en Espagne. Mais une récente décision de la Cour d’appel des Baléares a rebattu les cartes.
Cadre légal
L’entreprise n’a pas l’obligation d’organiser un entretien préalable au licenciement pour motif disciplinaire, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. Ainsi, l’entreprise doit entendre le salarié avant de procéder à son licenciement pour motif disciplinaire lorsqu’il fait partie des instances représentatives du personnel ou lorsque ce prérequis est prévu dans la convention collective applicable. Hormis ces cas prévus par la loi, l’entretien préalable au licenciement disciplinaire n’est pas obligatoire.
Toutefois, l’article 7 de la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (ci-après la « Convention OIT »), établit qu’un salarié ne peut être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à ses performances avant d’avoir eu la possibilité de se défendre contre les accusations portées contre lui, à moins que cette possibilité ne puisse raisonnablement pas être mise en place. Bien que ce texte ait été ratifié par l’Espagne, l’article 7 de la Convention OIT n’est directement applicable que dans la mesure où il a été développé par la loi espagnole et a de ce fait une efficace limitée.
Une alarme créée par la jurisprudence de la Cour d’appel des Baléares
La Cour d’appel des Baléares a qualifié un licenciement disciplinaire comme étant sans cause réelle et sérieuse au motif que l’entreprise n’avait pas organisé d’entretien préalable avec le salarié malgré l’absence de prévision en ce sens par la convention collective
Dans un arrêt du 13 mai 2023, la chambre sociale de la Cour d’appel de Baléares a, contre toute attente, requalifié le licenciement disciplinaire comme étant sans cause réelle et sérieuse au motif que l’entreprise n’avait pas auditionné le salarié avant de lui remettre la lettre de licenciement bien qu’aucune obligation à ce sujet ne soit prévue dans la convention collective.
La Cour a appuyé sa décision sur l’article 7 de la Convention de l’OIT et l’Accord Cadre Européen du 27 juin 2007 portant sur le harcèlement et la violence au travail, ces textes n’étant pas d’application directe en Espagne.
Une jurisprudence non généralisée : la position intermédiaire de la Cour d’appel de Madrid
Le 28 avril 2023, la Cour d’appel de Madrid a considéré que le fait de ne pas organiser un entretien préalable au licenciement disciplinaire n’a pas pour conséquence la requalification du licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse. La Cour soutient en effet que la tenue d’un entretien préalable au licenciement n’est obligatoire que dans les cas expressément prévus par la loi et par les conventions collectives.
En revanche, la Cour soutient que, si le licenciement disciplinaire est jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse puisqu’il n’a pas été correctement justifié et que le salarié n’a pas été convoqué à un entretien préalable au licenciement pouvant exposer sa vision des faits, alors celui-ci peut prétendre à une indemnité complémentaire de dommages et intérêts qui pourrait être équivalente au montant des salaires non perçus entre la date du licenciement et la date de l’audience au fond qui correspond au moment où le salarié a eu l’opportunité d’exposer les arguments pour contester la mesure disciplinaire.
Cette jurisprudence est bien plus stricte que celle de la Cour d’appel de Baléares mais surprenante puisque ladite indemnité additionnelle n’est nullement prévue par la loi ni par la convention collective.
Un retour sur la loi imposée par la Cour d’appel de Catalogne et de Valence
En particulier, le 4 juillet 2023, la Cour d’appel de Catalogne a rappelé que l’article 7 de la Convention OIT n’est pas d’application directe en Espagne et, par conséquent, a jugé que la non-tenue d’un entretien préalable au licenciement n’a aucune incidence sur sa qualification, position qui a été reprise deux fois par la Cour d’appel de Valence dans sa décision du 21 novembre 2023 et du 12 décembre 2023.
Un débat sans issue jusqu’à ce que la Cour de cassation espagnole se prononce
Bien qu’il faille attendre la décision de la Cour de cassation espagnole, les salariés licenciés sans avoir eu l’opportunité d’être entendus commencent à demander au juge la requalification de leur licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse ainsi que des indemnités pour dommages et intérêts.