Un récent arrêt en date du 27 juin 2018 de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation renforce l’efficacité des pactes d’actionnaires.
En l’espèce, les actionnaires d’une société par actions simplifiées (SAS) avaient conclu un pacte qui prévoyait, pour certains d’entre eux également salariés de la société, une interdiction de céder leurs titres pendant 10 ans et une promesse de vente aux autres actionnaires en cas de cessation de leurs fonctions de salariés.
L’article 11.3 des statuts de la société sanctionnait de nullité toutes les cessions contrevenant aux dispositions du pacte.
Un des actionnaires concernés n’a pas respecté le pacte et a cédé ses actions à un tiers. Il a ainsi adressé aux actionnaires un courrier pour dénoncer et résilier sa promesse de vente.
La société, compte tenu de l’existence du pacte d’actionnaires, a refusé d’enregistrer les ordres de mouvement de la cession et a contesté cette dernière devant les juridictions.
La Cour d’appel de Paris, par un arrêt en date du 26 janvier 2016, a considéré que le pacte d’actionnaires avait été résilié de manière anticipée. Constatant qu’aucune sanction n’était prévue dans un tel cas de résiliation, la Cour a estimé que la cession était valide et a enjoint aux associés d’enregistrer les ordres de mouvement.
La société a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision.
La Cour de Cassation s’est prononcée par un arrêt du 27 juin 2018 et donne raison à la société. Elle estime, sur le fondement de l’autonomie de la volonté des parties, que le pacte à durée déterminée ne pouvait être résilié unilatéralement mais seulement par consentement mutuel. La Cour en déduit que la cession litigieuse constituait une violation du pacte entraînant la nullité de la cession en application de l’article 11.3 des statuts prévoyant une telle sanction.
C’est à cet égard que cette décision est fort intéressante. En effet, nous savons qu’en principe une cession réalisée en violation d’un pacte n’est pas frappée de nullité ; seul le non-respect d’une clause statutaire, telle qu’une clause d’agrément, permet une telle sanction. Dans cette affaire, c’est pourtant bien le pacte qui interdit la cession et qui est donc violé et non les statuts. La Cour de cassation retient toutefois la nullité par le jeu de l’article 11.3 des statuts prévoyant la nullité des cessions contrevenant aux dispositions du pacte. Selon cet arrêt, l’insertion d’une telle clause dans les statuts permet de conférer à un pacte une force identique à celle des dispositions statutaires. La solution nous semble devoir être saluée puisque fondée sur l’ancien article 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». La Cour de cassation fait donc une juste application de ce dernier en conférant force de loi à l’article 11.3 des statuts. Notons que la réforme du Code civil intervenue en 2016 devrait être sans effet en la matière, les dispositions de l’ancien article 1134 étant reprises dans l’article 1103 nouveau.
Ana Plumed
M&B Avocats