Les clauses de sortie forcée, mieux connues sous le nom de « drag-along« , utilisées en droit français comme en droit espagnol, ont pour objectif de faciliter la vente et l’achat d’une société en évitant qu’un associé minoritaire ne puisse s’opposer à l’opération.

Elles protègent ainsi les intérêts des associés et actionnaires majoritaires, contrairement aux clauses de sortie conjointe, aussi connues sous le nom de clause « tag-along« , qui ont pour objet la protection des minoritaires.

Les clauses de sortie forcée, objet du présent article, permettent aux associés et aux actionnaires ayant la volonté de transmettre leurs titres à un tiers, d’obliger les autres actionnaires ou associés à transmettre également les leurs aux mêmes conditions.

Ces clauses peuvent figurer dans les statuts comme dans les pactes extrastatutaires. L’intérêt de les insérer dans les statuts réside dans leur opposabilité aux tiers. Cela signifie qu’une opération réalisée en violation d’une telle clause pourra être frappée de nullité. Si la clause figure dans un pacte extrastatutaire, elle ne produira ses effets qu’entre les signataires dudit pacte et sa violation ne pourra donner lieu qu’à dommages et intérêts. Son inopposabilité aux tiers aura pour conséquence que l’opération réalisée en violation de ladite clause ne pourra être annulée.

Il est important de souligner que le droit espagnol exige le consentement de tous les associés pour l’incorporation d’une telle clause dans les statuts en cours de vie sociale. Les règles de majorité applicables habituellement pour les modifications des statuts ne sont pas applicables à ce type de clauses. La majorité qualifiée n’étant pas suffisante.

De plus, s’agissant du droit espagnol, malgré le fait qu’il soit théoriquement possible d’insérer de telles clauses dans les statuts des sociétés, en pratique les greffes se montrent très réticents à les accepter, et rejettent souvent les statuts sociétaires qui en contiennent.

Toutefois, il semblerait que les choses soient en passe d’évoluer, car une résolution récente de la Direction Générale des Registres et du Notariat (DGRN) en date du 4 décembre 2017 et une doctrine du Registre du Commerce et des Sociétés de Barcelone [1] ont détaillé les conditions de validité des clauses de sortie forcée, lorsqu’elles figurent dans des statuts sociétaires:

i. En premier lieu, la clause doit préciser le pourcentage du capital que doit posséder l’associé ou l’actionnaire majoritaire pour forcer les minoritaires à céder leurs parts. Une disposition ce te type pourra ainsi être insérée: « le droit de sortie forcée bénéficie aux associés possédant plus de 65% du capital social« .

ii. Il est également nécessaire de mentionner la part du capital que le tiers devra acquérir pour que le droit de sortie forcée puisse trouver application. Généralement, ces clauses visent à permettre la cession de 100% du capital. En cas d’acquisition d’une simple participation majoritaire, la clause prévoit généralement que le nombre de parts cédées par chaque associé minoritaire sera déterminé au prorata de sa participation dans le capital.

iii. La clause doit en outre définir précisément la procédure de sortie conjointe. Par exemple, il pourra être prévu que l’associé majoritaire devra communiquer par écrit aux mandataires sociaux l’identité de l’acquéreur, ainsi que le prix et les conditions de cession et que l’administrateur devra transmettre lesdites informations aux autres associés dans un certain délai.

iv. Enfin, la clause doit préciser si le droit de sortie conjointe s’applique prioritairement ou pas dans le cas où les statuts prévoient aussi un droit de préemption au profit des associés en cas de cession à un tiers.

Les clauses de sortie forcée présentent un intérêt évident pour le(s) majoritaire(s) dans le cas où un tiers souhaiterait acquérir la totalité ou la quasi-totalité du capital social de la société. Elles permettent de contourner le refus d’un un minoritaire qui bloquerait le projet. Toutefois, pour que ces clauses soient réellement efficaces, leur rédaction doit être extrêmement précise afin d’éviter toute difficulté d’interprétation et les conflits entre associés pouvant en découler.

En conclusion, si les clauses de sortie forcée sont en principe valides, notre expérience nous apprend que certains greffiers demeurent réticents à l’égard de ces dernières. D’où l’importance d’être bien conseillé lors de leur rédaction.

Ana Plumed 

M&B Avocats

[1]Critères exposés par M. LUIS FERNÁNDEZ DEL POZO, greffier du Registro Mercantil de Barcelona en LA LEY mercantil nº 38, juillet-aout 2017, Nº 38, 1 juillet 2017, Editorial Wolters Kluwer