Le statut d’agent commercial en droit français confère à ce dernier une protection toute particulière puisqu’il est censé lui assurer une indemnité en fin de contrat. La loi exclut ce droit à indemnité qu’en cas de faute grave de l’agent. Cette garantie est au demeurant non négligeable, les tribunaux allouant généralement une indemnité égale a deux années de commission.

Or, les tribunaux français depuis quelques années ont sensiblement réduit le champ d’application de cette protection. La jurisprudence considère en effet, se référant à la définition de l’agent commercial donnée par l’article L. 134-1 du Code de commerce, que seuls bénéficient du statut protecteur les mandataires qui disposent d’un pouvoir de négociation.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2015, vient de rappeler ce principe. Elle a estimé dans le cas d’espèce qui lui était soumis que le représentant ne pouvait se prévaloir du statut d’agent commercial dans la mesure où il était tenu d’appliquer les prix et conditions fixés dans le tarif officiel de son mandant et qu’il n’était pas autorisé à accorder des remises.

En pratique, cette solution conduit à exclure du bénéfice du statut d’agent commercial un grand nombre d’intermédiaires. Il n’est en effet pas rare que l’agent soit tenu d’appliquer les conditions et notamment les prix de l’entreprise qui le mandate. C’est justement un des intérêts de recourir à des agents commerciaux plutôt qu’à des distributeurs à qui il est interdit d’imposer des prix de revente minimums.

Cette jurisprudence est bien évidemment très favorable aux entreprises qui font appel à des agents pour la distribution de leurs produits. Encore faut-il que le contrat soit rédigé avec rigueur et limite clairement les pouvoirs de négociation de l’agent.

Du côté des agents, cette jurisprudence est fortement critiquée puisqu’elle vient remettre en cause un droit acquis depuis de nombreuses années. Rappelons qu’en France le statut protecteur des agents commerciaux remonte à 1958, bien avant que l’Europe ne s’empare du sujet et étende ce statut a l’ensemble des États membres dans un souci d’harmonisation. Il convient de relever que l’agent qui ne peut bénéficier du statut au motif qu’il ne dispose pas d’un pouvoir de négociation n’est pas dépourvu de toute protection. Il peut en effet revendiquer la qualité de « mandataire d’intérêt commun » qui, tout comme le statut d’agent commercial, lui réserve un droit à indemnité en fin de contrat. Il existe toutefois une différence fondamentale entre le statut d’agent commercial et celui de mandataire d’intérêt commun: dans le premier, le droit à indemnité est d’ordre public et le contrat ne peut y déroger ; dans le second, les parties sont libres d’inclure dans leur contrat une clause excluant tout droit à indemnité au profit de l’agent. La rédaction du contrat et son contenu ont donc une importance cruciale et bien évidemment les intérêts ne seront pas les mêmes selon que l’on est agent ou mandant.

Si les droits des différents États membres en la matière sont harmonisés, Virginie Molinier a déjà pu relever les différences existant entre le droit français et le droit espagnol (cf article « Agence commerciale: le choix de la loi espagnole est définitivement le plus favorable, du point de vue de l’entreprise mandante »). Dans un prochain article, nous nous interrogerons sur l’état de la jurisprudence espagnole sur la question dont nous venons de débattre. L’enjeu est de taille pour les entreprises et les agents ayant une activité franco-espagnole: quel droit est le plus avantageux selon que l’on est agent ou mandant?

Franck Berthault