Dès le début du confinement en mars 2020, le gouvernement français a très vite écarté l’option d’instaurer une interdiction de licencier en temps de pandémie, idée qui avait circulé avant la publication des décrets sur l’activité partielle.
La question de savoir si une telle interdiction ne se heurtait pas à la liberté d’entreprendre avait immédiatement été soulevée par les détracteurs de cette mesure. Cette question est finalement demeurée rhétorique puisque cette interdiction n’a jamais été adoptée.
En cela la France a fait un choix totalement différent de celui adopté par l’Espagne. En effet, dès le début de la pandémie, les décrets adoptés en Espagne mettant en place des mesures d’urgence afin de faire face à l’impact économique et social du Covid-19 ont instauré une interdiction de licencier pour cause de Covid-19. Cette mesure d’interdiction a, par la suite, été prorogée. Elle demeure actuellement en vigueur jusqu’au 31 mai prochain.
En France, le gouvernement a plutôt souhaité mettre l’accent sur les différentes mesures d’aide et d’accompagnement à l’économie dont notamment l’activité partielle afin d’éviter au maximum les licenciements.
Pour autant, ces mesures n’ont pas empêché les licenciements pour motif économique pendant cette période. À titre d’exemple, au total 804 plans de sauvegarde de l’emploi ont été mis en œuvre entre le 1er mars 2020 et le 17 janvier 2021¹.
Gageons que les juridictions saisies de contestations des licenciements prononcés pendant cette période seront particulièrement vigilantes sur l’analyse du motif économique.
L’impact de la crise s’est également fait ressentir sur la procédure encadrant le licenciement.
En effet, les restrictions sanitaires ont pu avoir un impact sur la tenue des entretiens préalable au licenciement qui doivent, conformément aux dispositions du code du travail, se dérouler « en présentiel » pour utiliser le jargon désormais passé dans le langage courant à la faveur de cette crise sanitaire.
Or, le Code du travail ne prévoit aucune exception à ce principe et le non-respect de cette garantie entraîne une irrégularité de la procédure de licenciement. Cette irrégularité ne rend pas pour autant le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ouvre droit à des dommages-intérêts pour le salarié.
À cet égard, on peut citer des jurisprudences rendues avant le début de la pandémie sur le sujet mais qui sont sans équivoque sur la question.
Ainsi, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence², dans un arrêt du 14 février 2020, a jugé qu’une conversation téléphonique ne pouvait remplacer l’entretien préalable au licenciement. De même, en date du 7 janvier 2020, la Cour d’appel de Grenoble³ a considéré irrégulière la procédure de licenciement dès lors que l’entretien s’était déroulé par visioconférence, relevant dans le cas considéré qu’il n’existait aucun accord entre l’employeur et le salarié sur l’utilisation d’un tel moyen. Cet arrêt laisse donc à penser que cette voie serait admissible en cas d’accord entre les parties.
Dans ce contexte, il semble qu’un employeur ne puisse régulièrement imposer au salarié la tenue d’un entretien préalable par moyen de visioconférence.
Toutefois, compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie, de nombreux entretiens ont pu se dérouler par visioconférence. Par mesure de précaution, il était recommandé aux employeurs souhaitant mettre en place un tel procédé pour la tenue de l’entretien de recueillir au préalable l’accord personnel, écrit et non équivoque du salarié concerné, en veillant à l’informer des caractéristiques du dispositif technique utilisé et à le renseigner sur l’identité des personnes présentes à l’occasion de l’entretien ou susceptibles d’avoir accès aux propos tenus à cette occasion.
Dans tous les cas, il appartiendra à la Cour de cassation de préciser les conditions dans lesquelles cette voie serait possible.
M&B Avocats
¹ https://www.lefigaro.fr/social/coronavirus-visualisez-les-effets-de-la-crise-sur-l-emploi-en-france-20201001; https://nvo.fr/sortie-de-crise-lemploi-sera-la-cle/;
² CA Aix-en-Provence, Ch. 3-4, 14 février 2020, RG n° 17/10274
³ CA Grenoble, Ch. soc., section A, 7 janvier 2020, RG n° 17/02442