Le 20 avril 2017, l’assemblée plénière de la IVème chambre de la Cour de cassation espagnole (« Tribunal Supremo ») a réitéré la position qu’elle avait adoptée, à peine un mois auparavant, dans un arrêt rendu le 23 mars 2017, dans une affaire BANKIA, mettant ainsi fin au débat jurisprudentiel sur l’interprétation de l’article 35.5 du Statut des travailleurs (Code du travail) relatif au décompte des heures supplémentaires que nous avions précédemment commenté (« Le contrôle de la durée du travail »).
Pour mémoire, l’article 35.5 prévoit l’obligation, pour l’employeur, de mettre en place un système de pointage des heures supplémentaires réalisées par les salariés. L’interprétant de manière extensive, la Haute Cour Nationale espagnole (« Audiencia Nacional ») avait considéré qu’il en découlait une obligation générale de mettre en place un système de décompte quotidien du temps de travail pour tous les salariés.
Ainsi, les entreprises qui ne tenaient pas un décompte précis du nombre d’heures effectué au quotidien par leurs salariés, que ceux-ci réalisent des heures supplémentaires ou non, s’exposaient aux sanctions établies dans le Décret Législatif Royal (« Real Decreto Legislativo ») sur les infractions et sanctions relatives au droit du travail. Il convient de rappeler que la Haute Cour Nationale avait considéré que la non-tenue d’un système de décompte constituait une faute grave au sens de l’article 7.5 de ce texte et que la Direction générale de l’inspection du travail et de la sécurité sociale avait clairement manifesté, dans son instruction n°3/2016, son intention de renforcer les contrôles dans ce domaine.
Cette position avait mis en émoi les entreprises espagnoles.
Or c’est sur cette interprétation que revient la Cour de cassation, juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire espagnol, dans les deux arrêts des 23 mars et 20 avril 2017. La Cour considère, contrairement à la position adoptée par la Haute Cour Nationale espagnole, que l’obligation de décompte instituée par l’article 35.5 du Statut des travailleurs est bien limitée aux seules heures supplémentaires et écarte donc l’existence d’une obligation généralisée.
Cette décision s’avère déterminante pour les employeurs espagnols, et plus spécialement pour ceux qui font l’objet d’une inspection en cours, en ce qu’elle leur donne une plus grande sécurité juridique.
A l’appui de son raisonnement, la Cour de cassation espagnole s’est fondée sur la lettre de l’article 35 ainsi que sur celle de l’article 12.4 c) qui prévoient expressément une obligation de décompte uniquement en cas d’heures supplémentaires et complémentaires réalisées dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel. La Cour relève que, si l’intention du législateur avait été différente, il aurait prévu une obligation générale à l’article 34 du Statut des travailleurs relatif à la durée légale du temps de travail.
La Cour de cassation souligne également que cette interprétation est conforme à la réglementation européenne et conclut qu’une interprétation extensive du Statut des travailleurs, en la matière, conduirait à limiter la liberté d’entreprendre, indispensable au bon fonctionnement de l’activité économique.
Prenant acte de la position de la Cour de cassation, la Direction générale de l’inspection du travail et de la sécurité sociale a émis une nouvelle instruction modifiant la précédente, reconnaissant expressément que l’absence de mise en place d’un système de décompte quotidien du temps de travail pour tous les salariés, ne constitue pas en soi une infraction.
Malgré l’arrêt prononcé dans l’affaire BANKIA, le décompte des heures supplémentaires continue de faire débat. En effet, la Cour de cassation, consciente des difficultés concrètes soulevées par sa position, s’en est expressément remise au législateur indiquant qu’une réforme législative était nécessaire pour clarifier l’obligation de procéder au décompte du temps de travail de tous les salariés et ainsi faciliter, pour ceux-ci, la preuve de la réalisation d’heures supplémentaires.
Affaire à suivre donc.
Elodie Loriaud
Avocate associée
Celia Juega
Collaboratrice
M&B Avocats
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