Le 28 décembre dernier, l’Espagne a mis fin à la phase de transposition de la directive 2014/95 en promulguant la Loi 11/2018¹. Cette loi a modifié le Code du commerce, la Loi sur les Sociétés de Capitaux et les normes régissant la comptabilité.

Pour l’essentiel, cette loi transpose les dispositions qui concernent la publication d’informations non financières pour les sociétés de taille importante, et a pour objectif de renforcer la confiance des investisseurs, des consommateurs et de la société en général dans le monde entrepreneurial. La loi introduit également des modifications du droit des sociétés qui ne figuraient pas dans la directive.

Les Etats Membres avaient jusqu’au 6 décembre 2016 pour transposer la directive. La France a transposé cette directive durant l’été 2017 par une Ordonnance du 19 juillet 2017² et un Décret du 9 août 2017³. Le droit français comportait déjà un cadre réglementaire détaillé en matière de reporting extra-financier, codifié à l’article L. 225-102-1 du code de commerce. L’Espagne était donc en retard, retard aujourd’hui rattrapé.

Nous analyserons ci-après les principaux changements sociétaires et comptables applicables en droit espagnol depuis le début de l’année 2019.

Les dispositions du Code du commerce disposent que les sociétés (i) comptant en moyenne plus de 500 salariés; (ii) considérées d’intérêt général ou (iii) pour lesquelles, durant deux exercices consécutifs, (a) l’actif total est supérieur à 20 millions d’euros ou (b) le chiffre d’affaires annuel net consolidé dépasse les 40 millions d’euros ou (c) le nombre moyen de salariés dépasse les 250, doivent inclure certaines informations non financières dans leur rapport annuel de gestion pour les exercices sociaux débutés à compter du 1er janvier 2018. Ces informations non financières doivent inclure les questions environnementales et sociales, les informations sur les droits de l’homme, la lutte contre la corruption et sur le fonctionnement de la société elle-même (mode d’embauche, engagement pour un développement durable, etc.). Ces informations non financières doivent être publiées séparément du rapport de gestion comptable que toute société doit présenter dans ses comptes annuels.

Par ailleurs, à partir de 2019, lors des constitutions de sociétés à responsabilité limitée, il ne sera plus nécessaire de prouver que les apports monétaires ont été réalisés (jusqu’à présent une attestation bancaire que le montant du capital social avait été déposé par les associés devait être présenté au notaire qui formalisait la constitution). En cas de non attestation du dépôt du montant du capital social, les associés-fondateurs répondront solidairement face à la société et aux créanciers sociaux du montant du capital social. Cette disposition simplifie les formalités de création de sociétés et en raccourcit les délais, mais son application ne sera recommandée que dans le cas où le montant du capital social de la société nouvellement constituée n’est pas très élevé, afin que la responsabilité solidaire des associés/actionnaires ne risque pas d’être trop lourde de conséquences pour les associés.

Un autre apport de la loi est l’inclusion d’un nouveau paragraphe concernant la distribution des dividendes. Celui-ci établit que tant dans les sociétés à responsabilité limitée que dans les sociétés anonymes, la période maximale pendant laquelle les dividendes devront être versés aux actionnaires sera de douze mois à compter de la date de la décision de l’assemblée générale. Il est donc fixé un délai alors qu’aucun délai maximal n’était précédemment prévu pour cette disposition.

Enfin, en ce qui concerne le droit de séparation d’un associé/actionnaire parce que la société ne distribue pas de dividendes en application d’une clause statutaire ou d’une décision de la majorité des associés/actionnaires en assemblée générale, les associés/actionnaires dont la contestation sera inscrite au procès-verbal de l’assemblée générale pourront se séparer de la société, après la fin du cinquième exercice à compter de l’immatriculation de la société au Registre du Commerce, lorsque l’assemblée générale n’aura pas approuvé, au minimum, la distribution de 25% des bénéfices obtenus pendant l’exercice social précédent. Cette mesure facilite la sortie de l’associé/actionnaire dissident, puisque le pourcentage de l’ancienne normative prévoyait que l’associé pouvait se séparer seulement dans les cas où au moins un tiers des bénéfices n’était pas distribué.

Ce droit de séparation s’applique à toutes les sociétés commerciales, à l’exception des sociétés (i) dont les actions sont admises à la négociation dans un système multilatéral de négociation, (ii) des sociétés en procédure collective ou en cessation des paiements, (iii) des sociétés qui ont conclu un accord de refinancement irrévocable et (iv) des sociétés anonymes sportives.

Virginie Molinier

M&B Avocats

 


¹ Ley 11/2018, de 28 de diciembre, por la que se modifica el Código de Comercio, el texto refundido de la Ley de Sociedades de Capital aprobado por el Real Decreto Legislativo 1/2010, de 2 de julio, y la Ley 22/2015, de 20 de julio, de Auditoría de Cuentas, en materia de información no financiera y diversidad.
² Ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises
³ Décret n° 2017-1265 du 9 août 2017 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises