Depuis le 1er janvier 2025, douze tribunaux de commerce ont été désignés pendant quatre ans comme tribunaux des activités économiques, avec des compétences élargies en matière de procédures collectives et de traitement amiable des difficultés des entreprises.
Dans certains cas, le versement d’une « contribution pour la justice économique » sera nécessaire afin de saisir un tribunal des activités économiques.
Désignation de 12 tribunaux des affaires économiques et compétences élargies
Depuis le 1er janvier 2025, une expérimentation a été mise en place, pour une durée de quatre ans, afin de mesurer l’intérêt de disposer d’un seul tribunal pour traiter l’ensemble des procédures amiables et collectives¹.
Les douze tribunaux de commerce suivants ont ainsi été désignés comme tribunaux des activités économiques (« TAE ») : Avignon, Auxerre, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc et Versailles.
Ces TAE, qui conservent leurs compétences de tribunaux de commerce, disposent également désormais des compétences élargies suivantes :
- les compétences en matière de procédure d’alerte, des procédures amiables, de convocation du dirigeant et des procédures collectives, qui étaient réparties entre le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire compétent, selon le statut et l’activité de la personne concernée, sont désormais dévolues au TAE compétent, à l’exception des professions suivantes : professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire (les « Professions Exclues») ;
- le TAE compétent, saisi de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire d’un débiteur, connaît de toutes les actions et les contestations relatives aux baux commerciaux qui sont nées de la procédure et qui présentent avec celle-ci des liens de connexité suffisants (sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire) ;
- lorsque le TAE compétent est par ailleurs un tribunal de commerce spécialisé, en application de l’article L. 721-8 du code de commerce², il connaît des procédures mentionnées aux 1° à 4° du même article L. 721-8 (c’est-à-dire notamment les procédures de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire des entreprises visées), sous les mêmes conditions, quels que soient le statut et l’activité du débiteur, à l’exception de celles ouvertes à l’égard des personnes exerçant l’une des Professions Exclues.
Concernant la représentation des parties par un avocat devant le TAE, les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros, dans le cadre des procédures prévues au livre VI du code de commerce (c’est-à-dire les procédures de prévention des difficultés des entreprises ainsi que les procédures collectives), pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés ou pour la procédure de règlement amiable agricole prévue aux articles L. 351-1 à L. 351-7 du code rural et de la pêche maritime. Dans ces cas, les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.
Versement d’une contribution pour la justice économique
L’introduction d’une instance devant un TAE nécessitera, sous peine d’irrecevabilité que le juge pourra prononcer d’office, le versement par la partie demanderesse³ d’une « contribution pour la justice économique » (« CJE »), sauf certaines exceptions⁴.
La CJE sera due si la valeur des prétentions est supérieure à un montant de 50.000 euros.
Toutefois, la CJE ne sera pas due dans les cas suivants :
- si la demande est formée par certains demandeurs, tels que : le ministère public, l’Etat, une collectivité territoriale, un organisme public de coopération visé à l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales ou une personne physique ou morale de droit privé employant moins de 250 salariés ;
- si la demande a pour objet l’ouverture d’une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du code de commerce (c’est-à-dire les procédures de prévention des difficultés des entreprises ainsi que les procédures collectives), la procédure de règlement amiable agricole prévue aux articles L. 351-1 à L. 351-7 du code rural et de la pêche maritime ou si la demande est formée à l’occasion d’une telle procédure ;
- si la demande est relative à l’homologation d’un accord issu d’un mode amiable de résolution des différends ou d’une transaction ;
- si la demande a donné lieu à une précédente instance éteinte à titre principal par l’effet de la péremption ou de la caducité de la citation ;
- si la demande porte sur la contestation, devant le président de la juridiction ou le juge délégué, de la vérification par le secrétariat de la juridiction des dépens dus au titre d’une instance.
La CJE est comprise dans la liste des dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile. Or, les dépens sont dus par la partie perdante qui est condamnée à leur paiement, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Ainsi, le demandeur ayant versé la CJE pourra, si la partie adverse est condamnée, obtenir le remboursement de la CJE versée (à moins que le juge en décide autrement, par décision motivée).
Par ailleurs, il est également prévu que la CJE sera remboursée dans les deux cas suivants :
- En cas de décision constatant l’extinction de l’instance par suite d’un désistement ;
- En cas de transaction conclue à la suite du recours à un mode amiable de résolution des différends, lorsqu’elle met fin au litige.
Montant de la CJE
Le montant de la CJE est déterminé en fonction de la capacité contributive de la partie demanderesse, de sa qualité de personne physique ou morale et du montant de la valeur totale des prétentions formées par elle dans l’acte introductif d’instance.
Le montant de la CJE est plafonné à 5 % de la valeur totale des prétentions figurant dans l’acte introductif d’instance (étant précisé que le montant de la CJE ne pourra pas excéder le montant maximum de 100 000 euros).
Pour une personne morale, le montant est déterminé comme suit :
Montant du chiffre d’affaires annuel moyen sur les trois dernières années (en millions d’euros) | Montant du bénéfice annuel moyen sur les trois dernières années | Montant de la contribution |
---|---|---|
Supérieur à 50 et inférieur ou égal à 1 500 | Supérieur à 3 millions d’euros | 3 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l’acte introductif d’instance et dans la limite d’un montant maximal de 50 000 euros |
Supérieur à 1 500 | Supérieur à 0 | 5 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l’acte introductif d’instance et dans la limite d’un montant maximal de 100 000 euros |
Pour une personne physique, le montant est déterminé comme suit :
Revenu fiscal de référence, tel que défini au 1° du IV de l’article 1417 du code général des impôts, par part | Montant de la contribution |
---|---|
Supérieur à 250 000 € et inférieur ou égal à 500 000 € | 1 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l’acte introductif d’instance et dans la limite d’un montant maximal de 17 000 euros |
Supérieur à 500 000 € et inférieur ou égal à 1 000 000 € | 2 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l’acte introductif d’instance et dans la limite d’un montant maximal de 33 000 euros |
Supérieur à 1 000 000 € | 3 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l’acte introductif d’instance et dans la limite d’un montant maximal de 50 000 euros |
Conséquence pratique et risque de différence de traitement du fait d’une clause attributive de juridiction
Il est à noter que le Conseil National des Barreaux et l’Ordre des avocats au Barreau de Paris sont opposés à la CJE et ont annoncé vouloir déposer des recours devant le Conseil d’Etat en se fondant notamment sur l’inégalité de traitement entre les justiciables au regard de l’accès à la justice économique, entre les justiciables soumis à la compétence d’un TAE et d’autres qui y échapperaient car relevant de la compétence d’un tribunal de commerce n’ayant pas été désigné comme TAE. Ils dénoncent le risque d’insertion de clauses attributives de juridiction dans les contrats afin d’éviter les TAE, au profit de tribunaux de commerce n’ayant pas été désignés comme TAE, permettant ainsi d’éviter l’application d’une CJE.
Pour plus d’informations concernant le fonctionnement des tribunaux des activités économiques ou de l’application ou du calcul de la contribution pour la justice économique, n’hésitez à pas à contacter notre équipe de M&B Avocats.
M&B Avocats
¹ Textes applicables : art. 26 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques, arrêté du 5 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques.
² Il s’agit des tribunaux de commerce désignés afin de connaître de procédures à l’encontre d’entreprises d’une certaine taille (les conditions étant listées à l’article L. 721-8 du code de commerce).
³ Seul l’auteur de la demande initiale est visé. Les demandes incidentes ne sont pas soumises à la CJE.
⁴ Textes applicables : art. 27 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l’expérimentation de la contribution pour la justice économique. A noter qu’une circulaire du ministre de la justice relative à la CJE en date du 6 février 2025 a été publiée au bulletin officiel du ministère de la justice.