Fréquemment, ce n’est pas tant le contenu que le contenant qui permet de différencier certains des produits que nous consommons quotidiennement de leurs concurrents. Le contenant, c’est-à-dire l’emballage qui les « habille », ou la forme sous laquelle ils se présentent, peut être protégé en tant que marque tridimensionnelle [1].

C’est le cas des flacons de parfum qui est un exemple topique. Toujours plus originaux les uns que les autres, ils décorent nos salles de bain comme de véritables petites œuvres d’art. D’autres exemples de la vie quotidienne moins sophistiqués que ceux-ci peuvent encore être cités, comme la tablette de chocolat Toblerone ou encore les biscuits Oreo. Ces formes très concrètes ne répondent pas uniquement à une finalité mais sont identifiées par le consommateur comme un produit particulier associé à une origine commerciale déterminée.

En Espagne, le Tribunal Suprême (équivalent de la Cour de Cassation) a confirmé que les « formes sont importantes », en rejetant les recours [2] introduits par deux distilleries espagnoles [3] contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Barcelone. La Cour avait débouté les concurrents de Cointreau de leur demande de nullité de la marque tridimensionnelle internationale numéro 553.499 (ci-après la « Marque »), propriété de cette dernière. La Marque protégeait la bouteille caractéristique de la liqueur d’orange, dépourvue de tout autre élément d’identification, c’est à dire la bouteille « nue », sans étiquette ni autre ornement.

I.- En première instance, les demandeurs invoquaient principalement la nullité de la Marque, se fondant sur le caractère supposément standard du récipient sur le marché des liqueurs d’orange. À titre subsidiaire, ils invoquaient la déchéance de ladite Marque, en alléguant que Cointreau n’avait jamais commercialisé la bouteille de la façon dont elle apparaissait dans le registre des marques, c’est à dire sans étiquette.

Le juge du Tribunal de commerce a accueilli l’argumentation des distilleries, en prononçant la nullité de la Marque [4].

II.- En revanche, la Cour d’Appel [5] a infirmé la décision de première instance. En effet, celle-ci n’a pas admis le caractère standard du récipient ; bien au contraire, elle a considéré que le caractère distinctif et la notoriété de la bouteille nue étaient patents et démontrés. Par ailleurs, la Cour a souligné que l’usage de la Marque avec d’autres éléments dont Cointreau était également titulaire (marque dénominative, logo, etc.) n’empêchait pas l’utilisation de la bouteille nue comme signe distinctif.

En outre, la notoriété de la marque Cointreau étant reconnue, la Cour a considéré que les demanderesses s’étaient livrées à des actes de concurrence déloyale, en copiant la bouteille et en bénéficiant ainsi indûment de l’image de marque associée, indépendamment de la question de savoir s’il existait ou non un risque de confusion entre les produits.

III.- Pour sa part, le Tribunal Suprême a confirmé [6] l’arrêt de la Cour d’Appel, en considérant que la bouteille n’identifiait pas une catégorie de produits, tels que les « liqueurs d’orange » mais uniquement la liqueur Cointreau.

Qu’elle est la différence entre une marque tridimensionnelle et un dessin ou un modèle ?

Un dessin ou un modèle pourra bénéficier de la protection légale uniquement si celui-ci remplit les conditions requises, à savoir (i) être nouveau (condition non requise dans le cas des marques) et (ii) avoir un caractère propre au moment de solliciter son enregistrement. S’agissant des marques tridimensionnelles, elles sont attribuées, comme indiqué précédemment, en raison de leur caractère distinctif, consistant en un signe permettant de distinguer, sur le marché, deux produits équivalents et d’identifier l’origine de l’un par rapport à l’autre.

Il est important de préciser qu’il est possible de bénéficier, cumulativement, des deux protections. Ainsi, un emballage nouveau peut à la fois être enregistré en tant que dessin et modèle et, lorsqu’il permet d’identifier le produit ou l’entreprise qui le commercialise, en tant que marque.

Cependant, une différence importante existe entre les deux types de protection, il s’agit de la durée. Alors que les marques peuvent se renouveler indéfiniment tous les 10 ans, la protection des modèles est limitée à une durée maximale de 25 ans à partir de la date de la demande d’enregistrement.

Claudia Ambrós Biern
abogada
M&B Avocats

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[1] Article 4 de la loi des marques numéro 17/2001 du 7 décembre :
« 1. On entend par marque, tout signe susceptible de représentation graphique, qui va servir, sur le marché, pour distinguer les produits ou services d’une entreprise des autres.
2. Ces signes seront en particulier :
a) Les mots ou combinaisons de mots, y compris celle qui permettent d’identifier des individus.
b) Les images, symboles et dessins.
c) Les lettres, les chiffres et leur combinaisons.
d) Les formes tridimensionnelles y compris les emballages, les récipients et la forme du produit ou de sa présentation.
e) Les sons.
f) Une quelconque combinaison de signes rentrant dans les catégories précédemment citées. »
[2] Pour vice de procédure et en cassation.
[3] Distilleries « La Vallesana, S.A » et « Liqueurs Deva, S.A ».
[4] Jugement du Tribunal de Commerce numéro 6 de Barcelone, en date du 10 avril 2012.
[5] Jugement 296/2013 de la Cour d’Appel de Barcelone section 15, en date du 16 juillet 2013.
[6] Jugement 34/2016 du TS, en date du 4 février 2016.