A partir du 3 avril 2025¹, date d’entrée en vigueur de la Loi organique 1/2025, sur les mesures d’efficacité du service public de la justice, la médiation sera une condition de recevabilité² d’une demande en justice en Espagne. Ainsi, les parties au litige seront obligées de recourir à des modes alternatifs de règlements des différends (ci-après, les « MARD ») avant de soumettre leur litige à un juge espagnol.
La nouvelle loi définit les MARD comme tout type d’activité de négociation entreprise de bonne foi, y compris par la négociation directe (avec ou sans avocat), la médiation, la conciliation, l’intervention d’un expert indépendant neutre, la formulation d’une offre confidentielle³, ou encore, l’utilisation d’un processus de « droit collaboratif »⁴ (« proceso de derecho colaborativo »).
L’objectif est de favoriser la conclusion de règlements extrajudiciaires et de promouvoir une résolution pacifique des litiges⁵ qui, au-delà d’être un objectif louable⁶, devrait conduire à un délestage des tribunaux, comme cela s’est produit aux États-Unis ou en France.
À quelques exceptions près (telles que les situations d’urgence, la protection des mineurs et d’autres droits fondamentaux)⁷, le recours aux MARD sera obligatoire pour les affaires civiles et commerciales, y compris les litiges transfrontaliers⁸.
Dans tous les cas, et comme condition de recevabilité, le demandeur devra prouver qu’il y a eu une tentative infructueuse de résolution de l’affaire en joignant un certificat avec sa demande⁹. Naturellement, le législateur est conscient que cette exigence peut, dans la pratique, devenir une simple formalité. Pour éviter ce risque, il a choisi de prévoir des sanctions en cas de refus injustifié de recourir aux modes de règlement amiable. Ledit refus pourra également être pris en considération dans le calcul des dépens¹°, et également, faire l’objet d’une sanction ou d’une amende si le juge constate un abus du service public de la justice¹¹.
La loi prévoit également le renvoi intra-judiciaire aux MARD, c’est-à-dire que les tribunaux eux-mêmes suggèrent, voire ordonnent, l’utilisation de modes alternatifs de règlement des différends à des stades ultérieurs de la procédure, y compris à celui de l’appel ou de l’exécution.
Bien entendu, et comme cela est déjà le cas, l’accord conclu pourra être homologué judiciairement, acquérant ainsi les mêmes effets qu’un jugement définitif.
Ces mesures auront certainement un impact sur les avocats qui, s’ils ne le font pas déjà, devront redéfinir les stratégies et processus pré-judiciaires afin d’éviter ou de minimiser ces conséquences pour leurs clients.
¹ La Loi organique 1/2025, relative aux mesures d’efficacité du service public de la justice, a été approuvée par le Parlement le 19 décembre, publiée au BOE le 3 janvier 2025 et entrera en vigueur le 3 avril prochain (ci-après, la « Loi 1/2025 »).
² Article 5. Condition de recevabilité. « Dans le cadre de la juridiction civile, de manière générale, pour que la demande soit recevable, il est nécessaire de recourir préalablement à un moyen approprié de résolution des litiges […]. »
³ Toute personne qui souhaite régler un litige peut faire une offre contraignante à l’autre partie et est liée par cette offre si elle est acceptée. De même, l’acceptation de la contrepartie est irrévocable.
⁴ Il s’agit d’une négociation ordonnée avec des avocats accrédités en droit collaboratif et, le cas échéant, des tiers neutres experts. S’il n’y a pas d’accord, les avocats ne pourront pas représenter leurs clients dans un futur litige sur la même question. La pratique du droit collaboratif est une pratique qui favorise la coopération et se concentre sur les intérêts des parties et des tiers et évite le recours aux tribunaux.
⁵ Selon le préambule de la Loi 1/2025 : « la capacité de négociation des parties doit être récupérée, avec l’introduction de mécanismes qui brisent la dynamique de confrontation et de tension qui envahit aujourd’hui les relations sociales. À cette fin, ils ne doivent pas être dégradés ou transformés en simples exigences bureaucratiques« .
⁶ La Loi 1/2025 fait partie du Programme d’Efficacité Procédurale et du Plan de Redressement, de Transformation et de Résilience du Service Public de la justice en Espagne.
⁷ Article 3 – Champ d’application des modes appropriés de règlement des litiges. « Sont exclues, en tout état de cause, des dispositions du présent titre les affaires de travail, de droit pénal et de faillite, ainsi que les affaires de toute nature, quel que soit l’ordre juridictionnel devant lequel elles doivent être entendues, dans lesquelles l’une des parties est une entité appartenant au secteur public. […] »
⁸ Article 3 – Champ d’application des moyens appropriés de règlement des litiges. […] « En l’absence de soumission expresse ou tacite aux dispositions du présent titre, ses règles sont applicables lorsqu’au moins l’une des parties est domiciliée en Espagne et que l’activité de négociation se déroule sur le territoire espagnol.
⁹ L’accréditation de la tentative de négociation et la clôture du processus sans accord de la Loi 1/2025 prévoit que si un tiers neutre intervient, le document doit être délivré par ce dernier à la demande de l’une ou l’autre des parties. Dans le cas contraire, le document signé par les deux parties suffit. La preuve de la tentative de négociation est également apportée par un document attestant que l’autre partie a reçu la demande, l’invitation à négocier ou la proposition.
¹° Article 7 – Effets de l’ouverture du processus de négociation et de sa fin sans accord. […] Si un processus judiciaire est engagé avec le même objet que celui de l’activité de négociation précédente tentée sans accord, les tribunaux prennent en considération la collaboration des parties en ce qui concerne la solution consensuelle et l’éventuel abus du service public de la justice lorsqu’ils statuent sur les frais ou sur leur évaluation, ainsi que pour l’imposition d’amendes ou de pénalités, le tout dans les termes établis par la loi 1/2000, du 7 janvier, sur les procédures civiles. Entre autres, des modifications sont apportées aux articles 245 (contestation de l’évaluation des dépens), 394 (adjudication des dépens de première instance) et 395 (adjudication des dépens en cas d’acquiescement) de la LEC.
¹¹ L’exposé des motifs de la Loi 1/2025 le définit comme « l’usage irresponsable du droit fondamental d’accès aux tribunaux en recourant de manière injustifiée à la juridiction alors qu’une solution consensuelle au litige aurait été possible et évidente » […].