Le 17 août dernier, en pleine période estivale, à l’heure où la plupart des français propriétaires en Espagne profitent de leurs biens les pieds dans l’eau, est entré en vigueur, trois ans après sa publication, (le 4 juillet 2012), le Règlement européen qui vise à traiter et à simplifier les successions ayant des aspects internationaux.
Cette entrée en vigueur du Règlement n’a pas intéressé les médias de masse, et n’a été commentée que dans les cénacles professionnels (avocats, notaires, gestionnaires de patrimoine) ; cependant, elle a et aura des effets pratiques considérables sur les successions des citoyens européens qui ont des biens dans plusieurs Etats de l’Union, et/ou qui changent ou ont changé de résidence au cours de leur vie. Le président du Conseil des Notariats de l’Union Européenne ne s’y est pas trompé, puisqu’il n’a pas hésité à qualifier la date de l’entrée en vigueur du Règlement de date « à marquer d’une pierre blanche ».
En effet, le Règlement, applicable dans tous les Etats membres, à l’exception de la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark, va simplifier de manière importante le traitement des successions internationales. Juridiquement, une succession est qualifiée d’internationale lorsqu’une personne décède dans un pays différent de celui de sa nationalité ou de sa résidence ou lorsque le défunt laisse derrière lui des biens (mobiliers ou immobiliers) dans un pays différent de celui de sa nationalité ou de sa résidence.
Avec la multiplication des échanges internationaux et la croissante facilité des voyages, les successions internationales ont augmenté significativement. En ce qui concerne les ressortissants français, une succession sur dix est internationale : cela concerne 450.000 successions chaque année.
Avant l’adoption de cette réglementation européenne, la règle suivie par certains des Etats membres, dont la France, consistait à choisir la loi applicable à la succession selon la nationalité du défunt. Cependant, certains Etats différenciant les biens meubles et les biens immeubles, il était courant que plusieurs lois s’appliquent à une même succession, suivant la nature des biens concernés. Cette application de plusieurs lois constituait évidemment un facteur de complexité, générateur de surcoûts et de retards dans le traitement des successions.
Avec l’entrée en vigueur du Règlement, le principe de base a changé : la loi qui s’applique est celle de l’Etat membre dans lequel le défunt est décédé, et elle s’applique pour tous ses biens, qu’ils soient meubles ou immeubles. Toutefois, si ce dernier présentait des liens plus étroits avec un autre Etat membre, la loi de cet Etat s’appliquera.
L’apport le plus intéressant du Règlement est que tout citoyen peut dorénavant choisir de son vivant la loi régissant sa succession. Ce choix doit porter sur la loi du pays (ou d’un des pays) dont la personne possède la nationalité (au moment du choix de la loi ou au moment de son décès) et doit être formulé de manière expresse ou être indiqué dans le testament ou le pacte successoral. La loi peut être celle d’un Etat membre ou celle d’un Etat tiers.
Cette faculté est fondamentale, car les personnes qui l’auront exercée simplifieront de manière considérable leur succession, et permettront à leurs héritiers d’économiser temps et argent. Les successions internationales généraient jusqu’à aujourd’hui de nombreux conflits de lois entre les différents ordres juridiques, et contribuaient donc à une opacité et à une complication des régimes applicables.
Le Règlement crée le Certificat Successoral Européen (CSE), délivré à la demande des héritiers ou légataires par les autorités compétentes désignées par chaque Etat membre (en France et en Espagne, il s’agit du notaire) et reconnu dans tous les pays de l’Union Européenne. Celui-ci permettra aux éventuels héritiers et légataires de prouver leur statut dans tous les pays de l’Union Européenne ainsi que la quote-part leur revenant dans la succession, dans un autre Etat membre que celui où il a été émis.
En revanche, le Règlement ne modifie pas les règles fiscales des successions internationales, qui continueront donc à s’appliquer. Ce dernier sujet est un thème délicat. En effet, nous rencontrons souvent des cas dans lesquels les biens détenus à l’étranger n’ont pas été déclarés dans l’Etat de résidence fiscale du défunt, ce qui implique la nécessité d’une régularisation avec les possibles sanctions que celle-ci peut entraîner.
La non-déclaration des biens possédés à l’étranger est souvent une mauvaise idée, et elle le sera de plus en plus avec la mise en place d’échanges d’informations entre les administrations fiscales au niveau européen.
Virginie Molinier
M&B Avocats