Airbnb, la plateforme communautaire payante de location de logements de particuliers a un succès planétaire. A Barcelone, ville à l’aura internationale visitée chaque année par des millions de touristes, ce succès est particulièrement intense.
Le développement spectaculaire de Airbnb, nuit au secteur de l’hôtellerie directement concurrencé. Il nuit aussi à l’équilibre des grandes métropoles comme Barcelone, dans lesquelles les « investissements AirBnb » (appartements achetés par des particuliers ou des professionnels pour les mettre en location via AirBnb) provoque une pénurie de logements et donc une augmentation des loyers engendrant ainsi l’insatisfaction de la population locale qui se manifeste par une multiplication du nombre de plaintes pour troubles de voisinage.
En Catalogne, les locations touristiques sont régies par une loi de 2012, qui distingue deux types de biens : d’une part, les appartements qui font partie d’immeubles entiers et où les usagers bénéficient également de services, tels que la restauration, le ménage, etc.; d’autre part, les logements individuels, loués par un propriétaire ne fournissant aucune prestation complémentaire. Pour pouvoir louer un tel bien pour une durée inférieure à 31 jours, il est nécessaire de disposer d’une licence touristique accordée par le département compétent de la mairie de Barcelone. Une fois cette licence obtenue, l’appartement est inscrit au registre touristique de Catalogne et peut être proposé à la location touristique. Cependant, en pratique, de nombreux appartements étaient proposés à la location touristique, notamment via le site internet AirBnb, sans aucune licence.
Dans le cadre de la lutte contre la location touristique « sauvage », le 16 juillet 2014, la Direction Générale du Tourisme et l’Administration de la Generalitat de Catalogne prononçait une résolution contre Airbnb, condamnant cette dernière à une amende de 30.000 euros pour « la prestation de services touristiques sans disposer de l’habilitation correspondante, avec obligation de cesser toute activité ». Une nouvelle résolution, émanant de la même autorité, fut prononcée le 2 septembre 2014, condamnant Airbnb à une amende de 1.500 euros pour n’avoir pas exécuté la résolution précédente en poursuivant son activité de manière inchangée.
Airbnb a présenté un recours devant le Tribunal administratif de Barcelone afin d’obtenir l’annulation des résolutions administratives et les sanctions prononcées.
Le 29 novembre 2016, le Tribunal contentieux-administratif de Barcelone a annulé les amendes infligées par la Direction Générale du Tourisme et l’Administration de la Generalitat de Catalogne, reconnaissant par là même que la responsabilité d’Airbnb ne pouvait être engagée du fait de la location entre particuliers d’appartements non habilités par l’intermédiaire de son site.
Le Tribunal a en effet qualifié l’activité d’Airbnb comme « la mise en service et l’exploitation d’une plateforme technologique en ligne permettant l’interconnexion de particuliers (…) en matière de logements touristiques. (…) Son activité est celle d’intermédiation ou de marketing. (…) AIRBNB ONLINE SERVICES SPAIN S.L., (la société sanctionnée) n’intervient pas dans la gestion du portail AirBnb et n’a donc pas de facultés d’administration, de gestion ou de contrôle dudit portail ». De plus, le Tribunal précise que la gestion des ressources, la fixation des prix et autres caractéristiques concrètes tenant à l’usage des logements loués sont du ressort des propriétaires. AirBnb est donc étrangère à la relation locataire/propriétaire et ne représente qu’un système de communication digitale mis à disposition d’usagers.
Cette analyse du tribunal administratif de Barcelone est en accord avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, se basant sur les normes européennes, considère qu’une plateforme internet n’est pas responsable des contrats signés entre ses usagers auxquels elle n’est pas partie. En effet, la plateforme n’est qu’un intermédiaire qui permet que la relation contractuelle se forme mais dont elle n’est pas responsable.
Le Tribunal tance ainsi la Generalitat qui a sanctionné AirBnb en l’absence de texte applicable. Les magistrats expliquent en effet que l’existence d’un vide législatif dans le secteur de « l’économie participative » n’autorise pas l’administration à sanctionner les acteurs de ce secteur en élargissant indûment le champ d’application de textes légaux.
Le résultat définitif de cette bataille judiciaire n’est pas encore connu puisque cette décision de première instance a fait l’objet d’un appel.
Cependant, si l’administration ne peut pas sanctionner AirBnb, elle s’est dotée d’instruments destinés à faciliter la sanction des particuliers qui enfreignent la loi en louant leur appartement de manière illégale. Le 10 août 2016, la maire de Barcelone, Ada Colau, annonçait que la Direction Générale du Tourisme et l’Administration de la Generalitat de Catalogne allait sanctionner les propriétaires de 254 appartements meublés loués sans autorisation en infligeant à chaque propriétaire une amende de 30.000 euros. L’identification de ces appartements loués de manière illégale a été possible grâce à la mise en place d’un registre online sur lequel il est possible de vérifier via un formulaire si un appartement situé à Barcelone, quel qu’il soit, détient une licence touristique. Sur les 254 appartements identifiés comme faisant l’objet de locations touristiques et ne disposant pas de licence, 234 le furent après une dénonciation via ce formulaire. En 2015, la mairie avait déjà sanctionné et donc retiré du marché locatif touristique 388 logements loués sans licence.
En conclusion, à Barcelone comme ailleurs, même si l’administration municipale et régionale est déterminée, elle n’a pas réussi à « coincer » AirBnb. Par contre, elle a mis en place des moyens très efficaces pour sanctionner les particuliers qui enfreignent la loi.
Avocate associée M&B