Le 1er janvier 2022 est entré en vigueur en Espagne une loi¹ qui transpose une directive européenne, avec des dispositions affectant les contrats de vente de biens et de fourniture de contenus ou de services numériques². Ces nouvelles dispositions légales sont impératives et doivent être appliquées dans le cadre de la relation entre les professionnels³ et les consommateurs et usagers⁴.
Les dispositions les plus significatives sont les suivantes :
- Le délai de garantie légale pour réclamer le défaut de conformité d’un bien ou d’un service passe de deux (2) à trois (3) ans, exception faite des contrats de fourniture de contenus ou de services numériques pour lesquels le délai de garantie est de deux (2) ans.
- Le délai de prescription pour qu’un consommateur insatisfait puisse exercer ses droits est porté de trois (3) à cinq (5) ans. En cas de défaut de conformité, il est présumé que ce défaut existait au moment de la délivrance du bien, et ce pendant une période de deux (2) ans, ou un (1) an dans le cas des contrats de fourniture de contenus ou de services numériques⁵ (contre six (6) mois auparavant, tant pour les contrats de vente que pour les contrats de fourniture). Pour s’opposer à la réclamation, le professionnel devra démontrer que le défaut de conformité n’existait pas à la date de délivrance du bien et que celui-ci est apparu après, ce qui est une preuve difficile à apporter.
- Les garanties commerciales apparaissant dans une publicité du bien prévaudront sur celles contenues au sein de la déclaration de garantie légale si elles sont plus favorables au consommateur.
- Les défauts d’installation d’un bien ou les erreurs dans l’intégration de contenus ou services numériques seront assimilés à des défauts de conformité lorsque ladite installation aura été réalisée directement par le professionnel ou sous sa responsabilité et qu’elle sera prévue dans le contrat de vente ou de fourniture. Dans le même ordre d’idées, lorsque l’installation est effectuée par le consommateur ou l’usager et que les défauts proviendraient d’instructions d’installation ou d’intégration des biens vendus ou services fournis, incorrectes ou suffisantes, lesdits défauts seront également assimilés à des défauts de conformité.
- Le service technique et les pièces de rechange des biens cédés ou services fournis doivent être disponibles pendant un délai minimal de dix (10) ans à compter du moment où le bien a cessé d’être fabriqué, doublant ainsi le délai de cinq (5) ans qui existait jusqu’à aujourd’hui.
- Compte tenu de l’essor du commerce électronique, les contrats dans lesquels le consommateur ne paie pas de prix mais fournit, en échange, au professionnel des données personnelles sont désormais considérés comme étant des contrats de contenus ou de services numériques. De ce fait, la loi leur est par conséquent pleinement applicable. Sont en revanche exclus les logiciels libres et ouverts, dans lesquels le code source est publiquement partagé.
- Le professionnel peut modifier les contenus ou services numériques garantis pendant une période déterminée, ainsi que l’accès à ceux-ci, uniquement lorsque le contrat le permet et que les modifications sont effectuées (i) sans frais supplémentaires pour le consommateur ou l’usager, qui doit en être informé au préalable et (ii) sur un support durable qui mentionne le droit de résilier le contrat si la modification lui porte préjudice.
- De manière générale, et sauf disposition contraire prévue dans le contrat, les biens devront être livrés dans un délai maximal de trente (30) jours calendaires à compter de la conclusion du contrat. Les contenus et services numériques devront quant à eux être fournis, dans un délai raisonnable, après la conclusion du contrat.
Ces nouveautés visent à développer l’économie circulaire et à accroître la durabilité des biens de consommation. La durabilité sera justement un critère objectif permettant aux consommateurs d’apprécier s’ils sont satisfaits ou non de leur achat, leur permettant d’opter entre la réparation ou le remplacement du bien lorsque la durabilité serait autre que celle qui aurait été convenue.
Dans de nombreux cas, les changements affectent les conditions générales de vente ainsi que d’autres contrats d’adhésion, qui doivent être mis à jour pour s’adapter à la nouvelle règlementation.
Par ailleurs, ces nouvelles règles adoptées par l’Union européenne dans un but d’uniformisation et de renforcement de la protection du consommateur, ont également conduit le législateur français à adapter plusieurs dispositions du code de la consommation⁶ applicables depuis le 1er janvier 2022. Ce texte légal instaure en France des mesures similaires au RD 7/2021 adopté en Espagne telles que l’extension de la garantie légale de conformité aux produits numériques, la réparation ou le remplacement du bien comme solution de principe, ou encore l’aménagement de l’obligation précontractuelle d’information existant à la charge des professionnels.
Au fil de ces dernières années, dans le processus habituel d’adaptation du droit aux évolutions technologiques de la société, le législateur prend en compte et traite la particularité des biens et des services numériques. Une question qui, assurément, connaîtra une complexité croissante au cours des prochaines années dans la mesure où de nombreux biens, contenus et services numériques, inexistants aujourd’hui, devront être appréhendés par le droit de demain.
Dans l’immédiat, les professionnels qui vendent des produits et/ou fournissent des services aux particuliers en Espagne doivent sans tarder adapter leurs conditions générales de vente ou de services.
M&B Avocats
¹ Entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, du Décret-Loi Royal 7/2021, du 27 avril, venant transposer les directives de l’Union Européenne en matière de concurrence, de prévention du blanchiment d’argent, d’établissements de crédit, de télécommunications, de mesures fiscales, de prévention et de réparation des dommages environnementaux, de détachement des salariés dans la prestation de services transfrontaliers et de protection des consommateurs (ci-après, le “RD 7/2021”).
² Le RD 7/2021 modifie le Décret-Loi Royal 1/2007, du 16 novembre 2021, portant approbation de la refonte de la Loi Générale pour la Défense des Consommateurs et des Usagers et autres lois complémentaires (ci-après, le « RD 1/2007 »).
³ Aux fins du RD 1/2007, est considéré comme professionnel toute personne physique ou morale, publique ou privée, agissant directement ou par l’intermédiaire d’une autre personne en son nom propre ou en suivant ses instructions et à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, entrepreneuriale ou professionnelle.
⁴ Nul n’est besoin de rappeler, qu’aux fins du RD 1/2007, sont considérés comme consommateurs ou usagers les personnes physiques agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité commerciale, entrepreneuriale ou professionnelle, ainsi que les personnes morales et les entités dépourvues de personnalité juridique agissant sans but lucratif dans un domaine autre que leur activité commerciale ou professionnelle.
⁵ Cela signifie que, jusqu’à preuve du contraire, les défauts de conformité qui viendraient à apparaître dans un délai de deux ans à compter de la délivrance du bien, ou dans un délai d’un an à compter de la fourniture du contenu ou service numérique, sont présumés déjà exister au moment de la délivrance du bien ou de la fourniture du contenu ou service numérique, sauf si cette présomption venait à être incompatible avec la nature du bien ou du défaut de conformité.
⁶ L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques modifie plusieurs dispositions du code de la consommation.