La société LE GEANT DES BEAUX ARTS, qui est spécialisée dans la vente à distance de matériels pour artistes et exploite le site www.geant-beaux-arts.fr, reprochait à un concurrent l’utilisation du nom de domaine www.beauxarts.fr pour la même activité, estimant que ce dernier créait un risque de confusion avec le premier.

La Cour d’appel de Colmar avait débouté de ses demandes LE GEANT DES BEAUX ARTS au motif que, s’il existait des échanges de mails démontrant que des internautes pouvaient confondre les deux sites et les deux sociétés, cette confusion n’était pas préjudiciable à la demanderesse. Pour justifier cette absence de préjudice, la Cour d’appel de Colmar avait relevé que la société LE GEANT DES BEAUX ARTS avait pu bénéficier de cette confusion puisque des personnes s’étaient rapprochées d’elle après avoir visionné des vidéos postées par la société exploitant le site www.beauxarts.fr.

La Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi et, par un arrêt du 13 octobre 2021¹ , a réformé la décision de la Cour de Colmar au visa de l’article 1240 du Code civil aux termes d’une motivation d’une grande clarté :

« En statuant ainsi, alors qu’il s’infère nécessairement d’actes de concurrence déloyale résultant d’un tel risque de confusion un préjudice, fût-il seulement moral, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Un nom de domaine, en tant que tel, ne fait l’objet d’aucun droit privatif. Il peut toutefois être protégé en cas de risque de confusion sur le terrain de la concurrence déloyale et c’est ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2021 et ce, peu importe que les termes du nom de domaine ne soient pas distinctifs. Était ici évoqué le fait que les termes « beaux arts » figurant dans les deux noms de domaine étaient banals et usuels.

L’intérêt majeur de cet arrêt est qu’il vient conforter un autre grand principe en matière de concurrence déloyale : le risque de confusion engendre nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral.

Rappelons que la concurrence déloyale est sanctionnée sur le fondement classique de la responsabilité délictuelle, à savoir l’article 1240 du Code civil, qui exige que soient démontrés, une faute, un préjudice et un lien de causalité entre ces derniers. En matière de concurrence déloyale par confusion, la faute résulte de cette dernière ou du seul risque causé par son auteur. Quant au préjudice, il est parfois aisément démontré lorsque par exemple la victime peut quantifier une baisse de chiffre d’affaires. En pratique, il est toutefois souvent très difficile de démontrer un préjudice et encore plus de le quantifier.

En l’espèce, la société exploitant le site www.beauxarts.fr soutenait l’absence de préjudice en se prévalant notamment de certaines pièces, produites par LE GEANT DES BEAUX pour démontrer la confusion entretenue chez certains internautes, desquelles il ressortait que cette confusion avait pu amener certaines personnes à venir sur son site après avoir visionné le site www.beauxarts.fr.

Cet argument n’est pas recevable et, faisant application d’une solution admise de longue date en jurisprudence, la Cour de cassation a jugé que s’infère nécessairement un préjudice du risque de confusion.

La concurrence déloyale est dès lors caractérisée.

Suite à la cassation, l’affaire est à ce jour pendante devant la Cour d’appel de renvoi de Metz.

 

Franck Berthault
M&B Avocats


¹ https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000044220521?init=true&isAdvancedResult=true&numAffaire=19-23.597&page=1&pageSize=10&query=%7B%28%40ALL%5Bt%22*%22%5D%29%7D&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typeRecherche=date