Le contrat de haute direction (« alta dirección ») régit, en Espagne, la relation de travail des salariés qui disposent de la plus grande autonomie et capacité décisionnaire au sein de l’entreprise.

En effet, les décisions que les hauts dirigeants sont habilitées à prendre se rapportent à la direction même de l’entreprise et leur pouvoir est uniquement limité par les dirigeants, organes d’administration ou de gouvernance de celle-ci auxquels ils sont tenus de rendre des comptes.

Les hauts dirigeants sont donc nécessairement titulaires de pouvoirs assez larges pour représenter la société et l’administrer. En revanche, ce type de statut est incompatible avec un mandat social de type exécutif.

Compte tenu des spécificités de ce statut, les hauts dirigeants (« altos directivos ») sont soumis principalement au Décret-Royal 1382/1995¹ qui constitue un régime dérogatoire du droit commun du travail, encadré pour sa part par le Statut des Travailleurs². Ainsi, les dispositions du Statut des Travailleurs s’appliquent seulement de manière supplétive aux hauts dirigeants.

Les principales caractéristiques du contrat de haute direction, dérogatoires du droit commun, sont les suivantes :

  • S’agissant de la rémunération, les hauts dirigeants bénéficient des plus hauts salaires de l’entreprise ;
  • Le contrat de haute direction peut être conclu pour une durée indéterminée ou déterminée, à la discrétion des parties ;
  • La durée et les horaires de travail seront déterminés librement par les parties à condition de ne pas être notoirement contraires aux usages de la profession concernée ;
  • La période d’essai peut être d’une durée de 9 mois maximum ;
  • L’exclusivité du haut dirigeant est présumée pendant toute la durée du contrat, sauf accord exprès en sens contraire.

La rupture du contrat est également encadrée par des règles particulières et dérogatoires du droit commun. Il peut être mis un terme au contrat dans les cas suivants :

  • D’un commun accord entre les parties ;
  • Par décision unilatérale du haut dirigeant moyennant un préavis de trois mois minimum ;
  • Par décision unilatérale de l’employeur, non motivée, moyennant le paiement d’une indemnité de rupture dont le montant ne peut être inférieur à 7 jours de salaire par année d’ancienneté. Les parties peuvent convenir d’un montant supérieur dans le contrat, ce qui est fréquemment le cas à travers des clauses dites de « blindage » (clauses parachutes).

Il est à noter que de telles indemnités ne bénéficient pas du régime d’exonération de l’impôt sur le revenu applicable aux indemnités versées aux salariés de droit commun en cas de licenciement objectif ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En cas de faute lourde du haut dirigeant, l’employeur peut le licencier pour motif disciplinaire, sans indemnité ni préavis, sauf dispositions contraires du contrat. Il est à noter qu’il s’agit du seul motif valable de licenciement d’un haut dirigeant.

Ainsi, au moment du recrutement d’un tel salarié, il convient d’avoir une vision à long terme et d’anticiper d’éventuelles conséquences de son départ sur l’entreprise. Plus généralement, il est important de rédiger avec soin les termes du contrat de haute direction qui, comme il a été vu, est soumis à une large liberté contractuelle.

Enfin, le régime dérogatoire du contrat de haute direction par rapport au contrat de travail de droit commun implique des conséquences en cas de changement de statut notamment comme c’est le cas lorsqu’un salarié, titulaire d’un contrat de travail de droit commun, est promu cadre dirigeant.

En effet, à défaut d’accord exprès entre les parties, le contrat de travail de droit commun, préexistant à la conclusion d’un contrat de haute direction, est présumé suspendu pendant toute la durée du contrat de haute direction. Par conséquent, celui-ci sera réactivé en cas de rupture du contrat de haute direction pour quelque cause que ce soit.

Si au contraire, les parties conviennent que le contrat de haute direction se substitue dans toutes ses dispositions et effets au contrat de travail de droit commun, ce qui suppose donc la rupture du contrat de travail, le Décret Royal prévoit que les effets de cette rupture seront reportés deux ans après le changement de statut. Cette disposition a été introduite afin d’éviter tout abus de la part de l’employeur.

Le statut de haut dirigeant est donc éminemment différent de celui de cadre dirigeant en droit français avec lequel il ne peut être comparé. En effet, alors que le cadre dirigeant est soumis, en droit français, à l’intégralité des dispositions du code du travail à l’exception de celles concernant la durée du travail, les repos et les jours fériés, le haut dirigeant de droit espagnol se voit appliquer un régime dérogatoire bien spécifique dans lequel la liberté contractuelle des parties tient une part importante.

 

Elodie Loriaud et Celia Juega 
M&B Avocats


¹ Real Decreto 1382/1985, de 1 de agosto, por el que se regula la relación laboral de carácter especial del personal de alta dirección.

² Équivalent du code de travail français.