Par un arrêt du 9 avril 2025, la Cour de cassation est venue se prononcer sur la qualification de la faute grave dans le cas d’un licenciement d’une salariée qui avait transféré, de sa messagerie professionnelle vers son adresse électronique personnelle, un courriel contenant des pièces jointes à caractère confidentiel.
On le rappelle : la faute grave est celle qui rend impossible le maintient du salarié dans l’entreprise et impose la rupture immédiate de son contrat de travail sans préavis ni indemnité, étant précisé que c’est à l’employeur qu’incombe la charge de prouver une telle faute.
Si, dans les contentieux liés à la faute grave, c’est souvent la preuve de la faute qui fait défaut, il avait été, en l’espèce, aisé pour l’employeur de caractériser le manquement reproché, et de déduire que ce transfert contrevenait les obligations de la salariée en matière de sécurité informatique.
Les juges du fond, ainsi que la Cour de cassation, ne sont toutefois pas de cet avis.
La qualification de faute grave écartée par les juges du fond après examens de la preuve et de la proportionnalité de la sanction.
La Cour de cassation a confirmé l’analyse de la Cour d’appel qui a porté sur deux points essentiels : d’une part, la preuve de la faute grave et d’autre part, l’existence de critères qui, s’inscrivant dans un examen de proportionnalité de la sanction infligée au salarié, peuvent venir minorer la faute et sa sanction. En cas de contestation d’un licenciement pour faute grave, la recherche de proportionnalité est en effet une obligation qui incombe au juge du fond.
Concernant la preuve, les juges du fond ont considéré que le seul transfert de l’email par la salariée de sa boite professionnelle vers sa boite personnelle sans qu’il n’ait été démontré que ces données avaient été transmises à des personnes extérieures à l’entreprise ne pouvait être interprété comme une faute grave résultant d’une « violation des obligations en matière de sécurité informatique » n’était donc pas caractérisée.
Concernant la proportionnalité, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel qui a considéré qu’en raison de l’ancienneté de la salariée et de l’absence de sanction antérieure, le manquement reproché ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.
Une solution relevant de la libre appréciation du juge du fond
Cet arrêt met en lumière que le transfert de données confidentielles n’entraîne pas nécessairement la qualification de la faute grave par les juges du fond.
Cette solution n’est toutefois qu’une réaffirmation du principe de la charge de la preuve ainsi que du pouvoir souverain du juge du fond quant à la qualification de la faute et la recherche de la nécessité de proportionnalité entre la faute et le licenciement pour faute grave. Les juges disposent ainsi d’une marge d’appréciation importante et une solution contraire était tout à fait envisageable. Ce fut par exemple le cas dans une situation similaire, dans laquelle la Cour d’appel de Bordeaux avait retenu la qualification de faute grave pour une salariée qui avait également transféré de sa messagerie professionnelle à sa messagerie personnelle des données confidentielles de l’entreprise, en violation de l’obligation de confidentialité qui était mentionnée dans le règlement intérieur de l’entreprise comme dans le contrat de travail.
D’où l’importance, pour les employeurs, en cas de manquement d’un salarié considéré comme grave, de veiller à disposer de preuves suffisantes et de prendre en compte l’ensemble de la situation du salarié avant d’agir.