Il est incontestable que Barcelone est l’une des villes les plus touristiques au monde. Sa situation privilégiée, son climat, son port, son architecture ou son offre gastronomique font partie des nombreux atouts qui permettent, sans aucun doute, que des records de fréquentation touristique soient battus.
Il y a 25 ans de cela, quand la ville se préparait pour la grande inauguration de ses Jeux Olympiques, les touristes étaient reçus avec euphorie et optimisme. On leur apprenait à dire en catalan « Barcelona, t’estimo » à un moment où l’on ne parlait pas encore d’indépendance et où l’on construisait, ici et là, des hôtels à une vitesse vertigineuse.
Les choses ont bien changé depuis. Le nombre de visiteurs a explosé, le café du quartier est désormais un établissement d’une grande chaîne internationale parmi tant d’autres, le marché typique de la Boquería ne ressemble désormais plus qu’à un parc à thème, les loyers se sont envolés et nombreux sont ceux qui se sont élevés contre ce modèle économique en considérant, malgré sa rentabilité, qu’il mettait en péril l’identité de la ville et le bien-être de ses habitants.
C’est dans ce contexte que, début mars de cette année
Le PEUAT : Existe-t-il un tourisme mesuré ?
Outre les dispositions communes pour l’ensemble de la ville, le PEUAT distingue quatre zones, soumises à une réglementation spéciale qui répartit les logements sur les territoires concernés, la proportion entre le nombre de places offertes et la population actuelle, les usages qui en sont faits et la présence de points d’intérêt touristique.
La zone 1 ou la nouvelle zone zéro. Si vous avez déjà visité Barcelone, en tant que touriste, il est probable que votre premier point de chute ait été dans cette zone : les Ramblas et leur brouhaha, les rues sinueuses du quartier dit gothique, l’élégant et majestueux Paseo de Gracia ou les quartiers de Sant Antoni et de Poble Sec, quartiers très en vogue auprès des hipsters. Il est d’ailleurs fort probable que vous ayez été logé dans la zone 1 où se trouve 60% des établissements touristiques.
Pour désengorger cette zone, le PEUAT prévoit qu’en cas d’arrêt d’une activité de mise à disposition de logement, l’implantation d’une nouvelle activité est interdite. De même, l’augmentation du nombre de places dans les établissements déjà existants n’est pas autorisée.
La zone 2 : l’importante concentration d’établissements touristiques est contenue. L’autorisation d’implanter un nouvel établissement touristique dans cette zone, principalement résidentielle, ne pourra être obtenue que s’il y a eu au préalable une diminution du nombre actuel de places de logements touristiques.
La zone 3 : L’ouverture de nouveaux établissements touristiques et l’extension des existants sont autorisées. L’augmentation de la capacité d’accueil touristique dans cette zone est permise dans la limite d’une certaine densité, tenant compte des capacités morphologiques de la zone et de l’offre actuelle de logements touristiques.
La zone 4 : La Marina del Prat Vermell, la Sagrera et le nord du 22@ sont des quartiers avec une réglementation spécifique du fait de leur positionnement urbain particulier, du dynamisme de la construction dans ces zones et des secteurs qui sont en train de s’y développer. On relèvera, à titre d’exemple, que le secteur 22@ a été conçu pour attirer des entreprises du secteur technologique.
Zones de traitement spécifique : Au sein des zones précitées, des enclaves ont été délimitées faisant l’objet d’une réglementation à part. Il s’agit essentiellement des centres historiques des quartiers de Sants, Les Corts, Sarrià, Horta, Sant Andreu, el Clot, el Farró, Sant Nonat et Vilapicina.
Les zones 2 et 3 sont traversées par des axes de communication[2] soumis à une réglementation particulière : les établissements à usage touristique qui se situent sur ces axes devront être séparés les uns des autres d’une distance minimum de 150 mètres.
Le PEUAT prévoit également, entre autres, sous réserve de quelques exceptions, que des nouveaux établissements à usage touristique pourront être situés dans des bâtiments dans lesquels il n’y avait aucun logement au 1er juillet 2015 ou que le bâtiment entier devra être dédié à la même activité (sauf en ce qui concerne le rez-de-chaussée), ou que la portion de la rue qui donne sur la façade principale devra avoir une largeur minimum de 8 mètres.
La réalisation de travaux dans les établissements déjà existants est également réglementée. Ils sont autorisés dans des cas très concrets, et bien évidemment, lorsqu’ils ne n’ont pas pour objet d’augmenter le nombre de places existantes ou de diviser les lieux en plusieurs établissements.
En pratique, envisager l’implantation d’un hôtel dans la ville est quasiment mission impossible.
Se loger dans un logement particulier. Le PEUAT n’oublie pas le cas des logements de particuliers à usage touristique (ci-après « VUT »), qui sont mis à disposition à des tiers par leur propriétaire en échange d’une contrepartie financière. En 2005, il existait 81 licences pour des VUT, en 2011, 824 et en 2014, 9.606[3].
L’augmentation exponentielle de l’attribution de nouvelles licences a été freinée brutalement en 2014, quand ont débuté les inspections et les sanctions en vue de contrôler la prolifération de logements touristiques illégaux. Désormais, pour loger chez un particulier à Barcelone, il faudra soit que le logement dispose d’une licence en règle soit, bien évidemment, que vous ayez été aimablement convié par son propriétaire (dans ce cas, il est fortement recommandé d’apporter des fleurs ou une bonne bouteille de vin!).
Le PEUAT vient durcir les dispositions antérieures. Plus aucune licence ne sera concédée dans la zone congestionnée de la ville (Zone 1).
Le PEUAT a créé la polémique avant même son adoption. De nombreux professionnels (syndicat de l’hôtellerie, une partie du tissu économique et des services, etc.) se sont mobilisés pour présenter des recours judiciaires contre ce texte au motif que la Mairie avait outrepassé ses pouvoirs. En effet, le PEUAT est présenté comme un moyen de régulation en matière d’urbanisme, mais il est évident que ses dispositions ont un impact direct sur l’activité économique.
Cependant, au-delà des difficultés juridiques de l’implantation de ce texte, des milliers de valises continuent de rouler chaque jour dans les rues de Barcelone et illustrent les difficultés de la conciliation : tourisme ou pas tourisme ?, et surtout de combien de touristes a besoin une ville ?
[1] Adopté par l’assemblée plénière Conseil Municipal du 27 janvier 2017 et publié dans le Bulletin Officiel de la Province de Barcelone le 6 mars 2017.[2] L’avenue Josep Tarradellas, l’avenue Diagonal, la Via Augusta, la Roda del Mig, la Meridiana et la Gran Vía.[3] Source : http://ajuntament.barcelona.cat/pla-allotjaments-turistics/es/
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