Par un arrêt du 17 novembre dernier¹, la Cour de cassation a jugé qu’un salarié en arrêt-maladie, licencié, a droit au paiement de son préavis alors même qu’il n’était pas en mesure de travailler pendant cette période, lorsque son licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Les faits à l’origine de cet arrêt sont les suivants. Un VRP en arrêt-maladie d’origine non professionnelle depuis 18 mois est licencié pour désorganisation du service liée à l’absence prolongée du salarié. Il conteste son licenciement et demande, entre autres, le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis dont il n’a pas bénéficié puisqu’il était en arrêt maladie.

La cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent raison et requalifient sa rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’entreprise n’a pas démontré la désorganisation de l’un de ses services essentiels.

En principe, aux termes de l’article L 1234-5 du Code du travail, en cas de licenciement, le salarié qui est dans l’incapacité d’exécuter son préavis alors qu’il n’en a pas été dispensé par l’employeur ne peut pas prétendre au bénéfice de l’indemnité de préavis. C’est le cas notamment du salarié privé de son permis de conduire ou du salarié en arrêt maladie qui fait l’objet d’un licenciement…

… Sauf si ce licenciement est injustifié viennent nous préciser les Hauts magistrats.

C’est la première fois que les juges suprêmes se prononcent sur la question mais leur décision s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence actuelle.

La Haute juridiction fait une interprétation très large de l’article L. 1234-5 du Code du travail. En effet, elle considère que lorsque le licenciement pour absence prolongée d’un salarié en arrêt maladie devant être définitivement remplacé, ce dernier a droit à l’indemnité compensatrice de préavis dont il n’a pas bénéficié.

Si cette solution paraît étonnante d’un point de vue pratique, elle ne fait que confirmer la position de la Cour de cassation qui sanctionne l’employeur condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le terrain du préavis dès lors que l’inexécution de ce dernier lui est imputable.

Les Hauts magistrats avaient déjà fait des exceptions au principe posé par l’article susmentionné en accordant notamment cette indemnité à des salariés :

  • dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de manquements de l’employeur à son obligation de reclassement consécutive à l’inaptitude ;
  • dont l’arrêt de travail pour maladie résulte d’un harcèlement moral imputable à l’employeur.

Il nous semble plutôt que cet arrêt s’inscrit dans la lignée des décisions qui font prendre toute sa portée au licenciement sans cause réelle et sérieuse, à savoir les salariés :

  • injustement licenciés pour faute grave dès lors que l’inexécution du préavis résulte en ce cas de la décision de l’employeur de les priver du délai-congé ;
  • dont la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur ;
  • dont la prise d’acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • dont la mise à la retraite est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • qui ont remis en cause le motif économique du licenciement suite à l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP)².

Cet arrêt consacre un véritable caractère indemnitaire à l’indemnité compensatrice de préavis, vue comme le moyen de compenser le préjudice du salarié licencié à tort, alors que, rappelons-le, il n’était pas en mesure de travailler pendant son préavis.

Il s’inscrit également, à notre sens, dans une logique de prévisibilité des conséquences de la rupture.

Coline Montangerand
M&B Avocats


¹ Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 novembre 2021, 20-14.848, Publié au bulletin
² Dispositif d’accompagnement du salarié applicable en cas de licenciement économique