C’est ainsi qu’en a jugé la Cour de cassation par un arrêt de principe du 4 mars 2021, publié au bulletin.

Rappelons que l’article 1799-1 du Code civil oblige le maître d’ouvrage qui conclut un marché privé de travaux à fournir à l’entrepreneur un cautionnement solidaire lorsqu’il ne recourt pas (ou alors partiellement) à un crédit spécifique pour financer les travaux.

Dans cette affaire, une SCI avait conclu un marché de travaux avec un entrepreneur et n’avait pas fourni un tel cautionnement. Faisant face à des impayés, l’entrepreneur a assigné la SCI en référé afin qu’elle lui fournisse ladite garantie sous astreinte, ce qu’elle a finalement obtenu en cause appel.

En exécution de cette décision, la SCI a mis en place un cautionnement mais, estimant que l’obligation d’offrir une garantie conforme à l’article 1799-1 du Code civil n’avait pas été remplie, l’entrepreneur a demandé la liquidation de l’astreinte.

En effet, l’entrepreneur a relevé que le cautionnement était assorti de conditions, l’une exigeant la notification du décompte final par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur, l’autre imposant à l’entrepreneur d’informer dans les huit jours la caution de tout litige financier. Toutefois, la Cour d’appel a débouté l’entrepreneur de ses demandes, jugeant que la SCI avait pleinement exécuté l’injonction formulée par l’arrêt ordonnant l’astreinte.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle qu’il ressort des dispositions de l’article 1799-1 du Code civil, qui sont d’ordre public, que le cautionnement, qui garantit le paiement des sommes dues en exécution du marché, ne doit être assorti d’aucune condition ayant pour effet d’en limiter la mise en œuvre.

Pour mémoire, c’est dans le but de sécuriser les marchés de travaux que la Loi n°94-475 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises a introduit la garantie de paiement des entrepreneurs telle que définie à l’article 1799-1 du Code civil.

Cette disposition est le fruit du constat selon lequel « sur un chantier, le constructeur est l’intervenant le moins bien protégé : le banquier qui finance la construction bénéficie du privilège du prêteur de deniers et souscrit toutes autres garanties nécessaires ; le sous-traitant est titulaire d’une action directe contre le maître de l’ouvrage ou d’un droit au paiement direct. Quant au fournisseur, il peut insérer une clause de réserve de propriété dans le contrat de vente jusqu’au complet paiement du prix des matériaux. Seul l’entrepreneur ne dispose d’aucune sûreté.¹ »

Ainsi, il s’agissait de sécuriser le secteur compte tenu des nombreux impayés auxquels faisaient face les entrepreneurs.

Le régime de cette garantie diffère selon que le maître de l’ouvrage a souscrit ou non un crédit spécifique pour financer les travaux.

  • Lorsque le maître d’ouvrage recourt à crédit spécifique : l’établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que l’entrepreneur, tant que celui-ci n’a pas reçu paiement de l’intégralité de la créance née du marché
  • Lorsque le maître d’ouvrage ne recourt à aucun crédit ou y recourt partiellement : il doit offrir à l’entrepreneur une garantie résultant d’une disposition contractuelle particulière qui, en l’absence de précision légale, peut être une sûreté réelle ou personnelle. En l’absence d’une telle disposition contractuelle, le maître d’ouvrage doit fournir un cautionnement solidaire consenti par un organisme de crédit, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective.

De plus, ce texte organise une exception d’inexécution en faveur de l’entrepreneur puisqu’il dispose que, tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur n’a pas été payé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours.

Par ailleurs, la jurisprudence a établi que l’article 1799-1 du Code civil constitue une disposition d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent déroger. Elle est en outre venue préciser que le maître de l’ouvrage est débiteur de cette obligation dès la signature du marché de travaux, durant son exécution, après la réalisation des travaux, voire après la résiliation du marché.

Toutefois, cette garantie est peu offerte par les maîtres d’ouvrage dans la pratique. Elle est pourtant présentée comme un véritable « outil anti-crise » par les fédérations professionnelles qui incitent leurs adhérents à la demander. Les entrepreneurs, architectes et techniciens, qui peuvent également en bénéficier, ont en effet tout intérêt à exiger de leur maître d’ouvrage la fourniture d’une telle garantie qui leur est légalement due.

 

Lina MONTOYA FUENTES

M&B Avocats


¹ C. Saint-Alary-Houin, L’article 1799-1 du code civil, RDI 2013. 33.