À la fin de l’année 2022, l’Espagne a introduit un certain nombre de changements réglementaires en matière fiscale, avec un impact considérable non seulement pour les personnes qui y envisagent leur éventuel emménagement, mais également pour les non-résidents détenteurs d’actifs immobiliers sur le territoire espagnol.

Nous exposons ci-dessous les principales nouveautés qui complètent et développent le précédent Legal Flash relatif à l’entrée en vigueur de la loi des startups, qui contient certains de ces développement réglementaires (« L’Espagne adopte sa première loi sur les start-ups et mise sur l’écosystème des entreprises technologiques innovantes » ).

I. Modification du régime spécial des impatriés — « Loi Beckham » —

Comme nous l’avions indiqué dans notre précédente publication, le 22 décembre 2022, la très attendue Loi pour la promotion de l’écosystème des startups (communément appelée « Loi des Startups ») est entrée en vigueur. Cette loi a introduit, entre autres, des modifications substantielles au régime des impatriés, connu sous le nom de « Régime Beckham ».

À compter du 1er janvier 2023, certaines des conditions d’éligibilité sont assouplies et les critères d’accès au « Régime Beckham » sont élargis :

  • Résidence fiscale préalable en Espagne : le nombre de périodes fiscales antérieures au déménagement sur le territoire espagnol au cours desquelles la personne ne doit pas avoir été résidente en Espagne est réduit de 10 à 5 ans.
  • Télétravail : les salariés qui s’installent en Espagne en tant que télétravailleurs, c’est-à-dire sans en avoir être missionnés par leur employeur, peuvent désormais bénéficier de ce régime. À ces effets, on considère que cette circonstance est remplie dans le cas des personnes qui disposent d’un visa international de télétravail¹
  • Activités innovantes : les personnes qui s’installent en Espagne pour exercer une activité entrepreneuriale (selon les termes décrits dans la loi) et les professionnels qualifiés qui fournissent des services aux startups ou exercent des activités de formation, de recherche, de développement et d’innovation pourront également bénéficier du « Régime Beckham », à condition que la rémunération perçue pour ces services représente plus de 40 % du total de leurs revenus. La loi ne fournit pas plus d’informations sur les conditions d’éligibilité qui seront développées dans un futur règlement.
  • Nomination comme gérant de sociétés espagnoles : la limitation de participation maximale (au-delà de laquelle le « Régime Beckham » ne pouvait pas être appliqué) est éliminée, sauf dans le cas des entités dites patrimoniales, c’est-à-dire celles dont les actifs détenus (en général immobiliers) ne sont pas affectés à une activité commerciale.²
  • Enfin, à partir de 2023, le conjoint et les descendants de moins de 25 ans – ou de n’importe quel âge s’ils présentent un certain type de handicap – du demandeur principal pourront également bénéficier du « Régime Beckham » sous certaines conditions : (i) leur déplacement doit coïncider avec celui du contribuable ou avoir lieu pendant la première année d’application du « Régime Beckham », (ii) ils doivent acquérir la résidence fiscale en Espagne et ne pas avoir été résidents espagnols pendant les cinq périodes fiscales précédentes, et (iii) leurs revenus doivent être inférieurs à ceux du contribuable principal.

Comme nous l’avions mentionné précédemment, cette nouvelle réglementation n’a pas encore fait l’objet d’un développement réglementaire, de sorte que les conditions d’application et de demande du régime pour les nouveaux cas introduits n’ont pas encore été précisées. En effet, selon l’avis publié par l’administration fiscale (AEAT) sur son site web, il n’est actuellement pas possible de communiquer l’option pour le régime dans les nouveaux cas introduits et il faudra attendre la publication de l’arrêté ministériel instaurant la procédure correspondante. Par conséquent, en raison de l’absence du développement réglementaire, bien que la loi soit pleinement applicable, il est impossible encore de l’appliquer dans la pratique.

II. Impôt temporaire de solidarité des grandes fortunes (ITSGF)

La loi 38/2022, du 27 décembre, a introduit l’impôt temporaire de solidarité des grandes fortunes (Impuesto Temporal de Solidaridad de las Grandes Fortunas, ITSGF), qui est un impôt complémentaire à l’impôt sur la fortune (Impuesto sobre el Patrimonio, IP). Cet impôt, initialement prévu comme une mesure temporaire pour faire face à la situation découlant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de la crise énergétique et de l’inflation croissante qui en ont résulté, renforce l’imposition du patrimoine des résidents espagnols dans les régions qui avaient introduit des mesures de réduction de ce type d’impôt.

Désormais, les personnes physiques résidentes en Espagne dont le patrimoine mondial (total des actifs en Espagne et à l’étranger) est supérieur à 3.000.000 d’euros sont soumises à l’ITSGF. Les personnes physiques non-résidentes seront soumises à l’ITSGF pour les actifs situés en Espagne dont la valeur dépasse 3.000.000 d’euros, sauf disposition contraire dans les conventions de double imposition applicables.

Les règles d’application de l’ITSGF coïncident avec celles de l’IP dans divers domaines tels que, par exemple, l’évaluation des actifs, les cas d’exonération et le montant maximal d’imposition. Ainsi, la somme globale de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Impuesto sobre la Renta de las Personas Físicas, IRPF), de l’IP et de l’ITSGF ne peut pas dépasser 60 % de l’assiette de l’IRPF. En cas d’excédent, l’ITSGF sera réduit jusqu’à cette limite commune. La réduction ne peut toutefois pas dépasser 80 % du montant de l’ITSGF, de sorte qu’en pratique, 20 % de l’ITSGF consiste l’impôt minimum à payer.

En ce qui concerne les taux d’imposition, l’ITSGF est un impôt progressif, dont le barème est le suivant :

Barème de contribution directe Taux d’imposition
De 3.000.000 à 5.347.998,03 euros 1,7 %
De 5.347.998,03 à 10.695.996,06 euros 2,1 %
À partir de 10.695.996,06 euros 3,5 %

 

Enfin, étant donné que l’un des objectifs de cet impôt est l’harmonisation fiscale entre les régions, les montants payés au titre de l’IP seront déductibles dans le ITSGF.

Ce nouvel impôt ne devant être exigé qu’entre 2022 et 2024, bien que le règlement qui l’institue prévoit la possibilité de le prolonger à l’avenir. Par conséquent, la première déclaration de cet impôt devra être déposée en 2023 en ce qui concerne le patrimoine existant au 31 décembre 2022.

III. Assujettissement à l’IP des non-résidents détenteurs des biens immobiliers en Espagne par l’intermédiaire de sociétés étrangères.

La même loi 38/2022, du 27 décembre, a introduit une modification importante de l’IP, en vertu de laquelle les non-résidents en Espagne qui détiennent indirectement par le biais de leurs participations dans des sociétés étrangères la propriété de biens immobiliers situés sur le territoire espagnol sont soumis à cet impôt.

Jusqu’à présent, l’administration fiscale considérait que la détention d’actions de sociétés étrangères qui étaient à leur tour propriétaires, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés en Espagne, n’impliquait pas d’imposition au titre de l’IP. La Direction Générale des Impôts avait statué en ce sens lors de divers rescrits.³

Cette modification réglementaire, qui prend effet en 2022, entraîne donc un changement par rapport au régime fiscal qui était appliqué à ces cas. Les effets de cette règle s’étendent également à l’ITSGF dans la mesure où le seuil de 3.000.000 d’euros indiqué dans la section précédente est dépassé.

Cette disposition peut affecter un certain nombre de propriétaires étrangers de biens immobiliers de luxe en Espagne qui étaient jusqu’à présent exclus du champ d’application de l’IP parce qu’ils avaient utilisé des sociétés étrangères comme véhicules d’investissement.

IV. Modification des taux d’imposition en Catalogne et Valence

Dans le domaine de l’imposition de l’IP, il convient également de mentionner que les régions de Catalogne et de Valence ont introduit de nouvelles tranches dans les barèmes fiscaux. La Communauté de Catalogne a introduit des nouvelles tranches pour les patrimoines supérieurs à 20 millions d’euros, qui seront taxés à 3,480 % (jusqu’en 2021, le taux marginal maximum était de 2,750 % pour les actifs supérieurs à 10.695.996 euros) et la Communauté de Valence a augmenté de 0,25 % les taux d’imposition des tranches supérieures à 1.337.000 euros. De manière symétrique à l’ITSGF, ces modifications sont de nature temporaire (d’application jusqu’en 2024).

Dans le cas où vous souhaiteriez obtenir plus d’informations sur ces évolutions législatives, ou une analyse de votre situation patrimoniale, les équipes fiscales de M&B Abogados sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Ana De Isabel et Mario Acquaroni

M&B avocats


¹ Autorisation de séjour en Espagne pour les ressortissants de pays tiers (hors UE) qui exercent leur travail ou leur activité professionnelle à distance par des moyens télématiques.

² En vertu de l’article 5.2 de la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés.

³ Consultations obligatoires de la direction générale des impôts V2070-21 du 9 juillet 2021 ; V2646-21 du 3 novembre 2021 et V1947-22 du 13 septembre 2022.