Mi-avril, nous nous sommes fait ici l’écho de l’entrée en vigueur très attendue en Espagne d’un décret royal définissant les mesures d’application concrètes de la loi sur l’égalité de traitement et d’opportunités entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail. En effet, depuis la publication de cette loi en mars 2019, il manquait une partie de l’arsenal juridique, faute de décret d’application.

Une des mesures phares définie par le décret d’application est la mise en place d’un index des salaires pour plus de transparence et d’égalité.

Nous avons donc souhaité profiter de cette occasion pour faire un bilan des mesures sur l’égalité de traitement mises en œuvre en France.

En France, le législateur a également développé une série de mesures d’accompagnement des employeurs (entreprises, associations et syndicats) afin de favoriser l’égalité professionnelle. Parmi ces mesures figurait l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés de publier un « index de l’égalité ». Cette disposition figure dans le titre II de la Loi n°2018-771 du 5 Septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Destinée à faire respecter le principe de l’égalité de rémunération, cette loi a modifié le Code du Travail en y ajoutant les articles L. 1142-7 et suivants. Il est désormais inscrit dans le Code du Travail que l’employeur doit prendre en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Les obligations de l’employeur

Cet objectif se matérialise, entre autres, par l’obligation faite à tout employeur de 50 salariés ou plus, sous peine d’amende, de publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi que des indicateurs sur les actions mises en œuvre pour supprimer les inégalités.

Ces indicateurs donnent lieu à une note sur 100 points : l’index de l’égalité salariale.

Le calcul de l’index d’égalité salariale

L’article D. 1142-2-1 du Code du Travail définit les indicateurs à prendre en compte pour le calcul de l’index, qui sont les suivants :

  • L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;
  • L’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;
  • Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;
  • Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, le calcul varie sensiblement.

Afin d’aider les entreprises dans leur mise en conformité, le Ministère du Travail a publié sur son site un simulateur de calcul.

L’obligation de diffusion des résultats et le suivi

Chaque année, les résultats sont publiés sur le site internet de l’employeur ou à défaut de site, ils sont communiqués aux salariés par tout moyen. Ils doivent également être mis à disposition du CSE et être transmis aux services du Ministère du Travail par le biais du formulaire de télédéclaration présent sur le site du Ministère.

Les résultats sont présentés par catégorie socio-professionnelle, niveau ou coefficient hiérarchique ou selon la méthode de cotation des postes de l’entreprise. Ces informations sont accompagnées de toutes les précisions utiles à leur compréhension, notamment relatives à la méthodologie appliquée, la répartition des salariés par catégorie socio-professionnelle ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise et, le cas échéant, des mesures de correction envisagées ou déjà mises en œuvre.

Il est à noter que les entreprises qui rencontrent des difficultés à mettre en place leur index ainsi que les entreprises qui obtiennent une note inférieure à 75 points peuvent se faire accompagner par les Référents Egalité salariale homme-femme de la DIRECCTE compétente. En effet, un score inférieur à 75 points entraîne une négociation sur l’égalité professionnelle et éventuellement des mesures financières pour combler les écarts constatés (L. 1142-9 du Code du Travail).

Le bilan

Depuis 2019, cette obligation concerne les entreprises de plus de 250 salariés. Elle a ensuite été étendue, le 1er mars 2020, à toutes les entreprises, associations et syndicats comptant 50 salariés ou plus.

Il est donc possible de dresser un premier bilan de l’efficacité de ces mesures.

Tout d’abord, il convient de souligner que toutes les entreprises ne se prêtent pas au jeu. Ainsi, le taux de répondants était de 59% en 2020, mais il s’est amélioré en 2021 puisque 70% des employeurs soumis à cette obligation ont communiqué leur index, soit environ 13.000 employeurs.

S’agissant des résultats obtenus, les chiffres du Ministère indiquent que la note moyenne enregistrée est de 84/100 en 2020 contre 85/100 en 2021, une légère amélioration est donc à constater.

En ce qui concerne les entreprises de 1.000 salariés et plus, leurs résultats ont connu une progression puisque la note moyenne est passée de 82,9/100 en 2019 à 88,3/100 en 2021.

De plus, le pourcentage d’entreprises ayant obtenu une note supérieure à 75 a progressé de 1% par rapport à 2020, passant ainsi à 56%.

Par ailleurs, deux des indicateurs sont en souffrance puisque leur note moyenne n’a pas progressé entre 2020 et 2021.

Il s’agit de la parité dans les 10 meilleures rémunérations et de l’augmentation de salaires après retour de congé maternité.

Concernant le premier de ces deux indicateurs, 43% des entreprises ont moins de 2 femmes parmi leurs 10 meilleures rémunérations et seulement ¼ respectent une parité ou une quasi-parité.

Concernant le second indicateur, près de 13% des entreprises ont obtenu la note de 0 sur le critère des augmentations de salaire à la suite d’un congé maternité. Parmi ces 13 %, nombres d’entreprises ont obtenu un score de 0 depuis trois années consécutives.

Enfin, depuis 2019, l’Inspection du Travail a effectué 17.500 interventions en entreprise, 300 mises en demeure et a infligé 11 pénalités financières.

En définitive, cet outil basé sur un système d’auto-déclaration semble utile à l’heure de mesurer le phénomène des inégalités salariales. Toutefois, il convient de nuancer ce propos puisque, malgré l’existence de cette obligation, bon nombre d’entreprises et notamment des PME ne sont pas en mesure de publier leurs résultats. En effet, les structures RH de ces entités ne sont pas toujours suffisantes pour gérer ce dispositif. Par ailleurs, force est de constater que les inégalités salariales persistent. Le bilan de cet outil est donc, à ce stade, mitigé.

 

Lina Montoya Fuentes
M&B Avocats